Carnet de route

Toutes les Mayennes…

On pensait à l’étape Saumur-Angers qui nous attendait avec des étoiles dans les yeux, s’imaginant une belle route tranquille sur les bords bucoliques de la Loire et dans la douceur angevine, les cheveux dans le vent qui nous pousserait… Manque de bol, on a eu tout le contraire au programme de cette journée avec Sylvianne. En quittant Saumur, le tracé s’éloigne un peu du fleuve et les vingt premiers kilomètres sont pas mal vallonnés. On les a surtout eus ponctués d’orages certes brefs mais intenses et surtout accompagnés d’un vent qui s’intensifie petit à petit. On pique-nique à Saint Mathurin après avoir changé de rive et là le vent se lève pour de vrai. On le regarde pousser les gros nuages noirs qui encombrent le ciel et on se demande si c’est sur nous que toute cette pluie va tomber. Inévitablement, on se prend quelques saucées dans l’après-midi mais finalement, on les vit plutôt bien. Beaucoup mieux en tout cas que le vent de face qui nous affole dès les premiers kilomètres de la route sur la berge. On l’a en pleine face et on renonce très rapidement à suivre le fleuve en se disant que le vent sera peut-être un peu moins violent sur les petites routes de campagne en contre-bas. Selon la météo, les rafales vont jusqu’à 80 km/h et effectivement, on peine à tenir du 8 km/h quand on est face à lui et on a du mal à maintenir notre direction quand on l’a de côté.

On pédale tant bien que mal jusqu’à Angers où Sylvianne reprend le train puis on traverse la ville pour aller jusqu’à chez Leslie et Clément qui nous ont invités chez eux pour la nuit. Après presque 60 km de vent de face, les dernières montées me semblent insurmontables et on arrive épuisés chez nos hôtes. Quand la porte s’ouvre, on aperçoit les deux jolis minois de Jeanne et Malo qui attendaient impatiemment les filles pour jouer et les verres prêts à être remplis pour l’apéro. On pose les vélos en vrac dans le garage et les galères du jour sont oubliées en quelques secondes. Sous l’orage qui éclate, on partage le poulet rôti et la tarte au citron, on parle cabane, maison de naissance et famille à vélo avec les éclats de rire des enfants en bruit de fond. Ils sont allés jusqu’à Saint Malo en suivant la vélo Francette l’année dernière et ils ont plein de conseils à partager sur le chemin que nous allons emprunter. Ils s’amusent aussi de notre projet, eux que certains avaient traité de fous quand ils avaient décidé de partir une semaine à vélo avec leurs deux jeunes enfants !

Le matin, le vent souffle moins fort mais les filles jouent bien et nous, on n’a pas tout à fait repris nos forces alors on traine autour des croissants et du café. J’ai surtout une fesse qui commence à être abîmée à l’endroit où elle frotte la selle et aucune envie de la remettre dessus. Je bricole un peu mon vélo pour ne pouvoir poser que l’autre fesse sur la selle, ce qui me permet de pédaler bon an mal an et de me faire mal à plein d’autres endroits qu’aux fesses pour varier les plaisirs ! On reprend malgré tout la route vers le nord autour de midi et on rejoint la Mayenne qu’on va longer pendant quelques jours. Les orages de la veille ont rendu le chemin de halage souvent boueux et on zigzague un peu entre les flaques. On se rend vite compte qu’on n’ira pas bien loin aujourd’hui et Miha contacte alors Sylvie qui lui avait proposé de nous héberger à Montreuil-sur-Maine. 

On est un peu gênés d’avoir averti si tard mais Sylvie et Thierry nous accueillent en grande pompe dans leur belle maison de maitre. Au coin du feu, on parle de cyclisme et de camping pendant que les filles étalent minutieusement au sol les deux caisses de playmobil ! On savoure la tarte aux légumes du jardin, le calme, le confort et la beauté des lieux. 

Au moment de se coucher, je me rends compte que l’heure va changer dans la nuit. « On va dormir une heure de moins, dis-je tristement à Miha. Ben non, répond-il, on va se lever une heure plus tard ! » Et c’est ce qu’on fait ! Au lever, un rayon de soleil éclaire la table dressée du petit déjeuner dans la salle à manger d’hiver, on se croirait le comte du Bicycle et la Duchesse des Deux Roues ! 

On reprend la route en fin de matinée sans grandes ambitions kilométriques pour la journée, d’autant plus que j’ai désormais une boule – de la taille d’une mirabelle en référentiel lorrain – qui s’est formée sous la fesse et qui me fait vraiment mal. J’ai beau avoir beaucoup expérimenté le mal de fesses, je n’ai jamais rien eu de pareil et je demande son avis à Google qui me répond que si je ne veux pas que ça se transforme en kyste à opérer, il faut que je m’en préoccupe autrement qu’en disant que ça ira mieux demain et en pédalant sur une fesse en attendant ! Heureusement, j’ai une cousine médecin qui peut me faire une ordonnance d’antibiotiques et j’espère donc pouvoir m’en débarrasser sans avoir à faire de pause. 

Au moment où on part, le vent souffle et le ciel est menaçant. La pluie ne tarde pas à tomber. On se réfugie 5 km plus loin dans l’église de Chambellay, seul abri du village. On regarde les peintures, les statues, on compte les carreaux, on chante, on essaie tous les bancs… et il pleut toujours… Au bout de deux heures, on décide même de sortir le pique-nique et on ne repart finalement que vers 15h. On retrouve le chemin de halage, encore plus collant après la pluie. Au bout de quelques km, je trouve que même si les deux filles sont dans la charrette, que c’est du chemin et du faux-plat montant et que je ne pédale que sur une fesse, j’en bave vraiment et je vais très lentement…  Effectivement, la charrette a crevé ! Par chance, on a un pot de pâté qui sert de cale pour enlever la roue sans réveiller les filles qui font la sieste. Il est 16h et nous avons fait 11 km ! 

On continue mollement notre route le long de la Mayenne, admirant les moulins, les écluses et les châteaux perchés, quand Joëlle nous interpelle. Au bout de trois phrases, elle nous propose de passer la nuit chez elle, à Château-Gontier, à une quinzaine de kilomètres. Joëlle marche beaucoup, elle a fait Compostelle et elle sait ce que c’est que d’être sur les routes. Et puis elle aime les rencontres dont sa maison est imprégnée et on se sent directement chez elle comme chez nous. Les filles y trouvent une dinette et des poupées, nous y y trouve des conversations riches et engagées. On partage un bon plat de pâtes, c’est simple et c’est parfait… 

Le chemin de halage continue à longer la Mayenne en faux-plat montant. C’est moins roulant qu’une route mais agréable d’y être seuls sous un ciel presque clair. On a même droit à un beau pique-nique ensoleillé au bord d’un lac qui nous fait rêver du moment où il fera un peu plus chaud pour de vrai. Puis on pédale jusqu’à Laval avec pour mission d’y faire réparer la roue arrière du Pino dont deux rayons sont cassés. Je laisse Miha s’en charger, il a trouvé un « monteur de roues de vélo artisanal » chez qui il a rendez-vous. Une chance, pense-t-il ! Après deux heures à le voir batailler dans l’arrière-cour de son immeuble, il s’interroge sur le sens de l’adjectif « artisanal » ! Il repart tout de même avec deux rayons neufs et crève 5 km plus loin ! 

De mon côté, je continue la route avec les filles jusqu’à Saint-Jean-sur-Mayenne, une dizaine de km plus loin, où on est accueillis par Les petits guidons, une famille qui a fait un voyage similaire au nôtre l’année dernière. Alma et Léna adoptent directement la salle de jeux de Louison et Gabin et leur grand-mère qui lit des histoires, avec Amandine, on compare nos cartes, notre matériel, nos galères, nos coups de coeur, notre philosophie du voyage et on se réjouit de se comprendre si bien. On n’est même pas gênés de laisser nos sacoches trainer partout, de s’attarder un peu plus que prévu, de l’empêcher de travailler parce qu’on a trop de choses à se raconter… Ils savent ce que c’est, d’être six mois sur les routes, les petites guidons 😉 !

On repart en début d’après-midi en direction de Mayenne, suivant toujours le chemin de halage ponctué de jolies maisons éclusières. Le traitement antibiotique semble efficace et je peux désormais presque m’assoir correctement sur ma selle. On sait qu’on n’a qu’une trentaine de kilomètres à faire et on sait qu’on va y faire une pause parce que même si on a fait plusieurs petites journées, 10 jours sans se poser, c’est crevant ! Leslie et Clément nous avaient parlé d’une chambre chez l’habitant bien placée, pas chère et chez des gens charmants, le conseil était avisé ! Pascal et Nathalie habitent dans une immense maison labyrinthique du XIX° siècle avec un jardin merveilleux. Il y a quelque chose de l’arrière boutique de brocante, de l’annexe de magasin de jouets, du pavillon d’explorateur : un capharnaüm poétique et attachant habité par des gens ouverts et généreux. Les filles ne savent plus où donner de la tête, nous on en profite pour faire reposer les fesses, planifier la suite, laver le linge et les cheveux de toute la famille. On ouvre aussi une bouteille pour fêter nos 1000 premiers kilomètres en se disant que le temps passe beaucoup trop vite et après la visite du château de Mayenne, on mange une crêpe en ville, ça y est, on est déjà aux portes de la Bretagne… 🙂

3 Comments

  • Joëlle

    Un véritable plaisir de recevoir votre petite famille en toute simplicité. Cette rencontre inattendue était vraiment sympa. Vos filles sont très cool, les échanges autour de votre périple très intéressant….. Très bonne continuation dans aventure familiale…

  • Famille LECROART

    Trop classe votre périple! On espère qu’il y a un peu moins de pluie… mais surtout moins de vent! Pédaler contre le vent, c’est bien ce qu’il y a de plus dur pour les vélo randonneurs… (souvenirs de la famille, noel 2022 vers noirmoutiers…)

    • Jeanne

      On vient de voir que du vent d’ouest à 80 km/h est encore prévu dans deux jours, juste quand on bifurquera vers le Mont Saint Michel… 😱 On a demain pour se préparer psychologiquement à l’affronter !