Islande

Sur la route 35

Après une année à trépigner dans les rues de Nancy, Frida a retrouvé sa liberté et a même trouvé un compagnon de voyage pour affronter la rudesse islandaise…

Les jours qui précèdent le départ, on regarde les prévisions météorologiques et pluviométriques avec un amusement un tantinet inquiet mais il en faudrait bien plus pour nous arrêter ! A l’aéroport, il s’avère finalement facile d’embarquer nos vélos avec nous bien que très succinctement emballés… L’avion décolle à la nuit tombée et le soleil est encore proche de l’horizon quand nous arrivons à Keflavik à une heure du matin. Le temps de récupérer nos engins et de les équiper, il est déjà deux heures et le ciel s’éclaircit…

 

Par chance, la météo est plutôt, clémente. L’hôtesse nous avait d’ailleurs annoncé qu’il faisait une température au sol de « lovely 11 degrees », ce que nous n’avons pas trouvé très lovely sur le moment ! A la réflexion et après quelques nuits passées dans le pays, nous avons finalement revu notre jugement et admis l’idée que 11 degrés, c’est carrément lovely!

La mission de notre premier jour, le seul que nous ayons à peu près prévu, est de rejoindre Reykjavik pour y trouver du gaz et des informations. Si la pluie ne nous dérange pas trop sur cette immense route 40, le vent nous épuise déjà et il nous faut le courage premier jour pour arriver à destination… Ce soir là, nous avons acquis une conviction : notre parcours ici dépendra du sens des vents! Ils s’annoncent du nord et de l’est, ce qui tombe plutôt mal puisque nous sommes au sud ouest de l’île !
On profite d’être à la capitale pour la visiter ! Elle nous semble un gros village sympathique avec ses maisonnettes colorées, sa piscine thermale, son cadre magnifique et sa gay pride qui colore la ville d’arc en ciel et enthousiasme les foules…

Et puis on prend un bus pour Blönduós qui longe la côte ouest sous le soleil, dans la brume, contre le vent, et nous dépose à 22 heures au centre névralgique du village : la station service ! Le ciel est encore parfaitement clair et on pédale bien tard sans s’en rendre compte…
Ce n’est que le lendemain matin qu’on s’attaque à la fameuse route 35, quoi que le terme route soit assez peu approprié pour la désigner… Cette route de Kjölur est donc plutôt un chemin, parfois tout à fait roulant, souvent caillouteux et cahoteux, qui traverse le pays verticalement en enjambant les hauts plateaux. Elle n’est praticable qu’en 4×4 et étonnamment peu prisée des cyclistes. Selon certaines sources, elles serait trop ardue pour les cyclistes raisonnables qui préfèrent faire le tour de l’île et pas assez extrême pour ceux qui ne jurent que par les gués dans l’eau glaciale. De nos quatre jours sur cette piste, nous ne croisons qu’un couple d’allemands avec qui nous sympathisons, un couple de polonais qui luttent héroïquement contre le vent, un italien en short et un japonais improbable qui répare son vélo déglingué au scotch ! Et des 4×4 qui nous couvrent de poussière et nous font pleurer les yeux…
 
 
Le premier jour, la végétation est encore plutôt verte, des moutons paissent éparpillés sur les hauteurs et les lacs se succèdent. Quelques fermes isolées sont plantées ça et là et on se demande bien ce que ces gens-là font pendant l’hiver… Et puis la piste devient vraiment mauvaise et on doit se cramponner à notre guidon pour ne pas déraper dans les graviers et survivre aux ornières. La verdure a disparu, les moutons aussi, il ne reste plus que des étendues de pierres volcaniques à perte de vue… On voit le chemin serpenter entre les collines jusqu’à très loin devant nous et on voit que pendant des dizaines de kilomètres encore, on ne croisera rien, pas même un gros rocher pour s’abriter du vent. Ces immensités magnifiques ont quelques chose de grisant, on se sent vraiment ailleurs, peut-être sur la lune. Er pourtant, un fond d’anxiété sourd tout au fond de nous : quand on est à plus de 100 km de piste du prochain magasin, il faut avoir confiance en ses mollets ! Finalement, je n’irai sûrement pas vivre dans un wagon abandonné en Alaska !
 
 
 
 
Pour autant, on s’enthousiasme à chaque instant d’être sur cette piste, tant les paysages sont fascinants : les deux glaciers qui nous dominent, les vapeurs que l’on voit de loin s’élever au dessus des sources chaudes de Hveravellir, les rivières dont le lit s’étend à l’infini, les sommets volcaniques qui semblent si proches et si lointains, les oasis de verdure qui apparaissent parfois, les cascades et les gorges creusées dans la roche… Tout cela vaut largement de lutter contre le froid et le vent, même lorsqu’il est si fort qu’on en perd l’équilibre sur le vélo et qu’il faut le pousser sur plusieurs kilomètres…
 
Les nuits passant, on pense avec nostalgie aux lovely 11 degrees du premier jour, a fortiori quand on nous annonce qu’il fera -5 degrés cette nuit-là et que de la neige est prévue pour la fin de semaine. Pédaler dans le froid, d’accord. Dans le vent, s’il faut, pourquoi pas. Mais dans la neige, faut pas pousser ! Alors on abandonne les glaciers et les chemins caillouteux de la route 35 et on quitte les hauts plateaux pour retrouver la civilisation. Et surtout renflouer nos stocks de pain noir et de poisson fumé !
 
 

One Comment

  • Anonyme

    Bon courage à Frida et Frido pour la suite du périple.
    Même dans les Pyrénées, il fait froid et humide cet été ! alors, on imagine ….