Carnet de route

40 ans pluvieux, 40 ans heureux !

Les deux jours dans le gite de Tanum nous ont permis de nous reposer et d’échapper aux pires rafales de vent mais il pleut toujours quand nous prenons la route, chargés, en plus du reste, d’un pot que Léna réclamait depuis un moment et que nous avons fini par acheter. On roule tout de même jusqu’à Strömstad où on espère pouvoir prendre un bateau pour aller explorer une île au large de la ville. Manque de bol, tous les bateaux sont annulés parce que le vent est trop fort et on continue donc notre route sur terre jusqu’au fjord de Dynekilen au bord duquel on pense pouvoir passer la nuit.

Un étroit chemin mène à un tout petit hameau de quelques maisons au dessus d’un minuscule port. C’est parfaitement calme et on tourne un peu pour trouver le meilleur emplacement pour la tente. Le hameau est désert, seule une maisonnette de vacances semble habitée et on demande aux propriétaires si notre présence pour la nuit ne les embête pas. On discute quelques minutes et ils nous proposent plutôt leur chambre d’amis, une cabane indépendante avec un grand lit et une vue imprenable sur le fjord. Ils nous offrent un verre de vin sur leur terrasse pendant que les filles jouent aux Playmobil, nous montrent la douche extérieure et les toilettes sèches qui brûlent le caca et nous proposent de venir prendre le petit déjeuner avec eux le lendemain matin.

Stefan et Margarete commencent à peine leurs vacances et semblent contents d’avoir une compagnie imprévue. Nous on rit de bonheur d’être accueillis si chaleureusement et de pouvoir discuter avec ce couple adorable. Ils nous parlent de Hvaldimir, le beluga espion russe qui a été aperçu dans le fjord, des saunas d’hiver avec baignade dans la mer et des promenades en patin à glace quand l’eau gelait encore… Le soir, on pose Léna sur son pot face au soleil qui disparait entre les nuages au dessus du fjord et on se couche tous dans le sens de la largeur du grand lit avec une chaise pour les trop longues jambes de Miha.

Le matin, le ciel est dégagé et le vue est encore plus belle depuis notre terrasse en surplomb. Les rideaux s’ouvrent sur les îles boisées et la langue de mer, le drapeau suédois vole au vent, un balbuzard cherche une proie, c’est un véritablement enchantement… A 7h, Margarete est allée en ville acheter de quoi préparer le petit déjeuner et nous offre une table absolument majestueuse, garnie de tout ce qu’on peut imaginer, et surtout des knäckebröd, la base de l’alimentation suédoise ! Nous quittons le pays dans quelques kilomètres et cet accueil nous fera en garder un impérissable souvenir. 

On passe la frontière sur l’ancien pont de Svinesund. Nous voilà en Norvège ! Depuis qu’on est partis, on dit toujours qu’on va en Norvège quand on nous demande notre destination. C’était presque irréel quand nous sommes partis d’Asson en mars et nous y voilà pourtant. Les premiers kilomètres au bord d’une trop grande route ne sont pas très agréables et on fait une pause à côté d’un petit cimetière. Mathieu, en route vers Trondheim, s’y trouve déjà et un couple de cyclotouristes partis de Bretagne nous rejoint peu après. Drôle d’endroit pour un rendez-vous mais c’est une chouette rencontre aussi réjouissante qu’éphémère.

De la pluie est annoncée pour la fin d’après-midi mais on a repéré un shelter à proximité de Fredrikstad et on y arrive en même temps que les premières gouttes. On est dans les champs, face à la mer, mais aussi au milieu des moutons qui ne semblent pas vouloir partager leur abri. On se dit qu’ils vont avoir peur de nous mais c’est plutôt les filles qui ont peur d’eux et effectivement, ils sont particulièrement envahissants et on préfère donc leur laisser les lieux. On s’abrite un peu plus loin dans un atelier d’artistes pendant que Miha va prospecter pour trouver où dormir et on finit par planter la tente dans un petit coin tranquille au bord de l’eau. 

Le lendemain, il est censé faire beau et ça tombe bien parce que c’est mon anniversaire et que je rêve d’un barbecue sur une plage ensoleillée. En réalité, il fait beau jusqu’à midi… et puis il pleut… On se rend assez vite compte qu’ici, le temps est très changeant et les prévisions météo parfaitement aléatoires. Nos différentes applications annoncent toutes quelque chose de différent et c’est souvent encore autre chose qui se produit ! En tout cas, ce jour-là, il pleut des cordes quand on sort à midi du magasin de Fredrikstad où on a fait nos courses. De désespoir, on rentre dans le premier endroit où on peut manger au sec : le McDo ! Un anniversaire McDo pour mes 40 ans… ça, j’en n’avais pas rêvé !

Sur la carte, Miha a trouvé un terrain de scouts sur une des îles accessibles par un pont et on devrait pouvoir y planter la tente. La route est pluvieuse et vallonnée mais on est récompensés par la beauté de l’endroit à l’arrivée. Le terrain est désert mais on y trouve de l’eau et de l’électricité et surtout une vue magnifique sur la mer et les îlots parsemés. Entre les averses, on va ramasser des myrtilles pour décorer le grandiose gâteau d’anniversaire que les filles confectionnent en secret avec Miha : des génoises avec de la crème à la vanille, de la chantilly, des meringues et plein de fraises et de myrtilles. Je souffle quatre bougies et reçois trois beaux dessins. C’est un beau moment, tous les quatre sous la tente et sous le ciel orangé… Le matin, le ciel est uniformément bleu et on décide de passer la matinée tranquillement ici. On déjeune au soleil, on fait du cerf-volant, on lave du linge et on dessine à la craie des falaises de Møn sur les rochers.

Et puis on remonte la route jusqu’à Fredrikstad et on continue le long de la côte jusqu’à une plage où on compte dormir. Une tente est déjà installée, une mère qui passe le weekend en camping avec sa fille, et des jeunes qui fêtent bruyamment leurs 18 ans. On décide quand même de se poser ici, tant pis pour la musique jusqu’à pas d’heure, on a le sommeil lourd ! Le matin, Miha se baigne avant de reprendre la route, l’eau est à 22 degrés et magnifiquement transparente. 

On pédale jusqu’à Moss où on trouve une belle aire de jeux avec des jets d’eau. Il fait lourd et les filles pataugent avec bonheur. Puis on prend le ferry – gratuit pour les vélos, le seul truc pas cher en Norvège ! – pour traverser le fjord d’Oslo et éviter la ville que nous connaissons déjà tous les deux. A partir de là, nous changeons de direction et de perspective : il faut se résoudre à commencer notre descente vers la Lorraine… sans nous presser… 

Le long de la côte, on voit partout des gens qui ont planté leur tente pour le weekend, le camping sauvage a l’air d’être vraiment dans les mœurs. Étonnamment, le shelter qu’on a repéré à côté d’une petite plage n’est pas occupé alors qu’il y a quelques tentes à proximité et on s’empresse de l’investir. C’est moins charmant qu’au Danemark mais ça fera l’affaire pour la nuit. On a la mer pour se faire la toilette, une table et un abri, tout ce dont on a besoin. 

Comme les villes ne nous semblent pas incontournables et qu’on préfère les petites routes, on évite consciencieusement Tønsberg, Sandefjord et Narvik en essayant de trouver des jolis chemins peu fréquentés. Difficile ici d’éviter à la fois la circulation et le dénivelé et on doit malheureusement affronter trop souvent l’un et l’autre. On en vient même à se demander pourquoi le pays attire tant les cyclotouristes. Les paysages sont splendides, c’est incontestable, mais on ne trouve ni les petites routes tranquilles sur lesquelles on aime pédaler, ni les coins de nature solitaire dans lesquels on aime bivouaquer. Peut-être ne sommes-nous pas au bon endroit du pays ? Ou peut-être est-ce un habile moyen de nous faire accepter l’idée que le retour n’a jamais été aussi proche… ?

Le soir suivant, on trouve encore une jolie plage au bout d’une presqu’île pour passer la nuit. Après la baignade, on regarde le ballet des bateaux de plaisance sous un nouveau coucher de soleil chatoyant. Nous ne sommes pas seuls non plus et on s’endort au son des rots aussi bruyants que les rires de nos voisins… De la pluie est annoncée le lendemain et pour la première fois, on met le réveil pour pouvoir rouler au sec jusqu’au studio qu’on a loué pour l’après-midi et la nuit. Les campings sont généralement des aires de camping-cars hors de prix et on peut trouver un vrai toit en dernière minute pour une cinquantaine d’euros alors on ne s’en prive pas. Et au moment où j’écris, après quatre heures à regarder la pluie tomber, on savoure ce toit qui nous sauve pour ce soir… Demain, ce sera peut-être l’été en Norvège ?!

One Comment

  • Lecroart romain

    Ca nous fait du bien de lire vos aventures! Bravo à vous !
    On aurait bien envie d’être à votre place…