Carnet de route

Qu’il est beau, le Danemark…

Depuis qu’on est arrivé au Danemark, on a vraiment l’impression d’être en vacances ! La météo est parfaite, les journées sont sans fin, les paysages magnifiques et comme on est encore un peu à l’avance sur ce qu’on avait plus ou moins planifié, on prend le temps d’en profiter en faisant des tours et des détours.

On continue donc à longer les côtes de l’île de Sjælland et comme mes parents nous suivent en fourgon, ils prennent les filles avec eux pour la journée. De leur côté, ils trouvent sans difficulté des plages venteuses pour inaugurer la première baignade et étrenner le cerf-volant d’anniversaire et du nôtre, on pédale si vite qu’on ne voit pas défiler les kilomètres. On a beau se trainer la charrette et le tandem, on se sent vraiment léger et on apprécie ces rares moments passés tous les deux. On pédale sur le tracé du Tour de France de l’année dernière et les routes portent encore la trace des nombreux tags. Le soir, on se retrouve en lisière de forêt pour faire une partie de pétanque et partager les fraises achetées sur le bord de la route. Les filles veulent dormir dans le camion avec Papou et Mamou et on passe la nuit au milieu des arbres. A 4 heures du matin, il fait déjà bien jour et les oiseaux nous le manifestent bruyamment. Les nuits ne durent désormais que quelques heures, on peut lire sans lumière jusqu’à plus de 23h et le ciel s’éclaircit déjà à partir de 3h. Par chance, la lumière n’empêche personne de dormir le matin mais convaincre les filles qu’il est l’heure de se coucher alors que le soleil brille encore n’est pas une mince affaire…

Le lendemain, mes parents prennent la route d’Odense et nous le ferry pour l’île de Samsø sur les conseils de Kristine et Henrik qui nous avaient hébergés à Copenhague. Le bateau est plein de voitures – faut dire qu’elles payent moins cher que les cyclistes pour la traversée ! – mais dès l’arrivée sur l’île, elles semblent s’évaporer en quelques instants et on se retrouve seuls sur des petites routes au milieu des champs.

On pédale quelques kilomètres pour rejoindre la côte ouest où on compte planter la tente pour la nuit. L’emplacement que l’on cherche n’est pas simple à trouver, il est en réalité destiné aux kayakistes qui arrivent pas la mer, et il faut emprunter une minuscule chemin un peu chaotique pour y accéder. Une fois sur place, on en est persuadés, on a trouvé le paradis : un petit shelter dans les arbres, face à la mer, de quoi faire du feu et regarder le coucher du soleil bercés par les seuls bruits du clapotis des vagues et des gazouillis des oiseaux. Et même pas de bourdonnement de moustiques ! Uniquement des tiques mais elles sont silencieuses !

L’eau n’est étonnamment pas froide et on en profite pour se laver dans la mer pendant que le feu prépare ses braises. Les filles courent dans les petits chemins tondus au milieu des herbes hautes, Alma est très fière d’avoir 5 ans désormais et nous on se dit que le cadre de ce 6 juin met la barre très haut pour ses futurs anniversaires… Depuis notre shelter, emmitouflés dans nos duvets, on regarde ensemble le soleil se coucher sur la mer, un bonheur simple et profond…

Pour une fois, il s’agissait d’un shelter payant et qui méritait bien de l’être mais nous n’avons pas la monnaie pour glisser l’appoint dans la boite et l’application qui permet de payer ne fonctionne qu’avec un numéro danois. Miha trouve la ferme qui le gère et la personne qui s’en occupe finit par nous dire qu’il nous offre la nuit comme participation à notre voyage… pour une fois qu’on était motivés pour payer !

Le matin, on pédale jusqu’au nord de l’île, seuls pendant des dizaines de kilomètres. On longe une immense plage sur une mer turquoise bordée de rosiers rugueux. La journée est tranquille, nous savons que nous allons dormir à nouveau sur l’île et nous roulons pour savourer les paysages et le soleil qui nous dore. On fait du cerf-volant, on ramasse des coquillages, on regarde les bateaux qui passent au loin. On croise quand même un couple d’allemands sur le parking du supermarché, eux s’extasient de notre voyage et nous du calme de cette île. Ils nous disent qu’elle est bien différente en été et on remarque en effet les campings immenses et les flottes de vélos de location. Qu’on est bien hors saison…

Après une sieste dans la charrette, Alma se réveille inconsolable. Jusqu’au soir, elle sanglote sans savoir nous dire ce qui la rend triste. A force de questions et de tendresse, elle finit par avouer craindre qu’à 5 ans, on ne puisse plus faire de câlins, et ça semble lui fendre le coeur… Alors on installe les matelas dans le shelter et on passe un long moment tous ensemble dans les duvets jumelés à chanter des chansons et écouter des musiques qu’on aime. Et on la convainc sans difficulté que le temps des câlins est loin d’être révolu…

Ce soir-là, le shelter est un grand abri au bord d’un champ où on peut planter plusieurs tentes. Au milieu, trois hamacs qui plaisent beaucoup aux filles et un chat qui nous tient compagnie de manière un peu insistante… surtout pendant les repas ! La plage est à quelques pas mais de ce côté-là, l’eau est vraiment froide. Un autochtone nous demande si on s’est baignés. On devrait nous dit-il, elle est bonne désormais, elle est à 15 degrés !

A midi, on quitte notre île paradisiaque en ferry : nous avons trouvé où dormir à Århus sur warmshower et nous sommes attendus avec des pizzas tout juste sorties du four chez Simon, Pernille et leur petite Manou de quelques mois. Ils vivent dans un grand cabanon posé dans un jardin ouvrier et nous ont proposé de planter notre tente sous le cerisier, entre les iris, les pieds de tomates… et les plans de cannabis !

La parcelle est tout proche du centre ville mais on se croirait en pleine nature. Pour que les citadins puissent respirer un peu, la ville met des lots de terrain à disposition avec une réglementation qui interdit d’y vivre plus de six mois de l’année, de peur que des vraies maisons s’y construisent et que les prix deviennent inaccessibles pour les plus modestes. Simon et Pernille vivent donc ici d’avril à octobre puis dans leur camion sur les routes pendant l’hiver.

Les pizzas sont délicieuses et on passe une longue soirée à discuter de voyage, de vie alternative, de jardinage, de moeurs danoises… Ils nous parlent du congé parental de 48 semaines qui nous fait rêver, de la retraite à 68, bientôt 70 ans qui nous fait moins rêver ! Pernille fabrique des bijoux, j’aurai donc des boucles d’oreille sur la plage la semaine prochaine…

Le lendemain matin, ils partent pour quelques jours mais ni la maison ni le portail n’ont de clé et on peut donc rester autant qu’on veut ! On laisse la tente montée dans le jardin et on va visiter la ville en tandem-charrette.

C’est surtout le Gamle By qu’on veut visiter, un musée à ciel ouvert, une ville d’antan dans la ville. Plus de 80 maisons de tout le pays et de toutes les époques ont été amenées ici et on se promène dans les rues entre les échoppes, les ateliers d’artisans, les maisons d’habitation… On peut rentrer dans toutes, passer dans chaque pièce, ouvrir les placards, toucher les objets. Les premières maisons datent des années 70. On entre dans l’intimité d’un couple de retraités, les vêtements dans l’armoire, les produits dans le frigo, les images à la télévision, puis dans une colocation d’étudiants avec des pulls au crochet, des poster de Marx et une machine à écrire. Alma est fan, elle voudrait tout voir, tout ouvrir, tout toucher et c’est vrai que c’est fascinant ! On téléphone comme autrefois, on monte dans une vieille voiture, on observe la lessive à l’ancienne, on tape à la machine à écrire… on s’y croirait ! Léna n’est pas aussi convaincue, elle veut surtout monter les escaliers toute seule et nous montre du doigt chacun des nombreux « crapeaux damois » ! Après plus de trois heures de visite, on va faire un tour en centre ville, beaucoup moins intéressant, et on retrouve le petit jardin fleuri jusqu’auquel nous parviennent les bruits lointains des festivités d’un vendredi soir…

On quitte Århus le samedi matin et les routes ensoleillées sont pleines de cyclistes. Le chemin est un peu vallonné mais agréable. On pédale entre les champs de blé et les forêts de pin avec la mer en fond. Pour le pique-nique, on s’arrête sur une petite plage ou quelques familles prennent le soleil et quelques enfants pataugent. Il faut dire que l’eau peu profonde est tiède et transparente et comme eux, Alma veut se baigner. Et là, sorti d’on-ne-sait-où, un bébé phoque vient se mêler aux enfants. On dit d’abord aux filles de le laisser tranquille mais il semble vraiment chercher le contact et les caresses. Il s’éloigne un peu puis revient, montre son museau, passe entre les jambes des baigneurs, se frotte aux enfants. Alma a des étoiles dans les yeux… et nous aussi pour tout dire !

On continue ensuite notre route jusqu’à Ebeltoft, très belle ville selon les guides touristiques, mais on n’y trouve qu’une rue, certes jolie mais totalement morte à 18h un samedi et on s’installe quelques kilomètres plus loin, face à la mer. Le shelter qu’on visait est occupé mais on plante la tente à proximité dans un endroit bien plus beau, sur la grande plage venteuse et à l’abri d’un arbre qui nous cachera du soleil au matin. Alors qu’on a cherché le soleil pendant trois mois, on s’en cache désormais pour ne pas cuire dans la tente dès qu’il se lève.

L’eurovélo 12 qu’on suit s’éloigne ensuite de la côte et on pédale face au vent dans la campagne. C’est calme et beau, comme tout ce qu’on voit du Danemark. Alma pédale de plus en plus vaillamment mais ne montre jamais autant d’enthousiasme que pour inventer des jeux. Au lieu du « ni oui ni non » qu’elle trouve trop compliqué, elle préfère le « ni poireau ni je crois » auquel Miha joue de bon coeur ! Léna dort souvent le matin dans la charrette puis va sur le tandem l’après-midi où elle aime écouter de la musique avec sa petite enceinte. Les journées sont interminables et la douceur du soleil est d’autant plus douce qu’on l’a longtemps attendu. Sans s’en rendre compte, on fait des étapes plus longues qui passent sans problème pour tout le monde.

Le soir, on est en pleine campagne et on trouve un shelter à côté d’une église, en lisière de forêt. L’un de ses murs est en plexiglas et on a l’impression de dormir dans les arbres. Encore un bel endroit pour passer notre nuit… Le jour suivant, c’est dans un tipi de bois qu’on pose nos sacs de couchage. Les shelters sont toujours différents et toujours charmants. Là, on retrouve mes parents qui ont passé quelques jours à l’ouest du pays et reviennent avec un petit nounours trouvé sur le bord de la route qui fait la joie des filles. On rencontre aussi un couple suisse avec un Pino, puis un couple belge en voyage depuis huit mois, puis d’autres suisses encore en route pour le Cap Nord. Nous n’avions rencontré aucun cyclo ni aucun francophone depuis notre arrivée au Danemark et voilà que nous nous retrouvons tous au même endroit ! On échange des récits et des conseils, c’est chouette de se comprendre par la langue et par l’expérience…

Comme nous, le soleil tarde à se coucher. Peut-être que lui aussi savoure sa soirée…