Le plat pays
Notre traversée en ferry de la Norvège aux Pays-Bas est une grande fête pour les filles. Alma l’attendait avec impatience et elle n’est pas déçue : piscine de balles, maquillage, mini disco… une vraie croisière ! Pour nous, c’est beaucoup moins festif : cette traversée symbolise un peu la fin du voyage et en plus, on a le mal de mer !
On débarque à Emden un peu paumés, sans savoir vraiment quelle direction prendre. A la sortie du ferry, on discute avec un couple de Lyonnaises qui continuent leur route vers l’Ecosse et des Hollandais qui nous conseillent de suivre l’Ijsselroute, pourquoi pas ! Autant l’arrivée aux Pays-Bas avait été un soulagement quand nous venions d’Angleterre, autant cette fois, la perspective des pistes cyclables plates et des campings tous les 5 kilomètres nous parait terriblement ennuyeuse. Ben ouais, tout est relatif ! En Norvège, il nous semble déjà que tout est plus intense : on en bave, certes, mais les récompenses sont immenses…
Nos premières courses sont cependant un festival ! Non seulement on trouve plein de choses dans les magasins mais en plus, à des prix abordables. Disons que ça compense le fait qu’on ne puisse plus faire de bivouac. Alors bien sûr, on regrette les spots de rêves dans lesquels on a passé beaucoup de nos nuits scandinaves mais il faut bien reconnaitre que pour le camping, les Néerlandais sont les meilleurs ! Et puis nous n’avions plus payé de camping depuis trois mois… depuis les Pays-Bas en fait.
On pédale donc plein Ouest avec un bon vent de face et en se débrouillant pas trop mal pour s’abriter au moment des averses… c’est l’avantage de n’être jamais loin de la civilisation. Et ici désormais, tout est plat, dans tous les sens du terme. Après deux jours à ressasser en se disant qu’à se faire saucer, on aurait pu rester là-haut, on se résigne et on savoure les pistes cyclables qui sont quand même formidables.
A Hoogezand, la pluie est annoncée toute la journée du lendemain alors on joue la traditionnelle carte de la piscine municipale… à être mouillés, au moins nous serons propres ! Dans le camping, on se débat avec notre tente de moins en moins étanche, on nourrit les animaux et on squatte la serre pleine de livres et de jeux, dans laquelle on peut cuisiner, jouer et regarder la pluie tomber. On entend beaucoup parler de chaleurs historiques… nous on ne se souvient même plus comment ça fait d’avoir trop chaud !
Le jour suivant, la météo semble momentanément apaisée et on pédale entre champs et villages, entre nuages et coins de ciel bleu. On croise beaucoup de bateaux, de cigognes et de cyclistes. On traverse un parc national à l’entrée duquel un petit musée nous permet de nous abriter d’une averse de plus. On passe par beaucoup de ponts qui se lèvent et se baissent, ici, ce ne sont pas les routes mais les ponts qui montent et qui descendent….
On arrive à Grou en même temps qu’un rayon de soleil alors on saute sur l’occasion pour manger une glace sur la place et faire un tour dans l’église transformée en brocante dont les filles ressortent avec des coloriages, avant de rejoindre notre petit camping du jour. Celui-là est une perle. Les tentes sont posées sous les arbres fruitiers, des poules se promènent autour du trampoline, des lapins grignotent des herbes entre les tables et le bac à sable. Les filles voudraient bien y rester un peu plus et c’est vrai qu’on y passerait bien quelques jours mais la pluie est annoncée. Dès l’après-midi et tout le lendemain. On a déjà passé une journée à tourner en rond sous la pluie dans un camping et on est un peu à cours d’inspiration. On voudrait surtout éviter de passer la nuit prochaine sous notre tente qui fuit.
Et c’est là qu’apparait Vlady ! Vlady, je l’avais rencontré sur un ferry entre le Danemark et la Suède il y a dix ans. Il pédalait seul et moi aussi, on avait passé toute la traversée à discuter joyeusement puis échangé nos contacts en espérant que les vents nous pousseraient un jour à nouveau l’un vers l’autre. Et miraculeusement, Vlady habite à une centaine de kilomètres de Grou et il a un beau break dans lequel rentrent toutes nos sacoches ! Bon, ça on ne le sait pas encore au moment où on se téléphone mais il nous propose de nous donner rendez-vous le lendemain dans une gare où il essaiera de charger tout ce qu’il peut dans sa voiture pour nous ramener à l’abri chez lui.
Le jour suivant, on pédale gaiment, même avec le vent de face et même sous les trombes d’eau qui nous tombent dessus à l’heure du pique-nique. En fin d’après-midi, Vlady nous retrouve à la gare de Steenwijk. Je trouve qu’il n’a pas changé, lui trouve que mon vélo non plus. Il rentre la charrette et toutes les sacoches dans son coffre, pose Frida sur le porte-vélo, installe les filles dans les sièges auto et c’est parti ! Miha prend le train avec le Pino jusqu’à Olst, à une cinquantaine de kilomètres. C’est tellement simple sans bagages et sans enfant…
Chez lui, on rencontre Hermine, sa femme, qui a cuisiné une soupe délicieuse avec du pain maison et on passe une belle soirée à discuter. La nuit, on entend la pluie tomber sur le Velux… quel bonheur d’être ici… Toute la journée, la pluie tombe, parfois juste un crachin, parfois des grosses gouttes. On fait tout de même un tour au parc avec Kai, leur petit fils en visite pour la journée, équipé de la même combinaison que les filles. Puis Léna cuisine des biscuits traditionnels qui cuisent sur le feu avec Hermine, Vlady prépare des pizzas et Alma ne quitte pas la caisse de Legos. On a plein de choses à se raconter et on ne voit pas la journée passer. Les jours de pluie, c’est chouette aussi, parfois !
Et puis on regarde la carte et on se rend compte qu’on n’est vraiment pas loin de la France mais on ne voudrait pas risquer de rentrer plus tôt que prévu alors on décide de bifurquer vers l’ouest pour rallonger un peu ces dernières semaines que nous savourons… même sous la pluie…