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Tour d'Europe

Into the wild

 

 

 

Les falaises de Rügen, finalement, étaient plus grandioses dans mon imagination. Elles étaient surtout moins touristiques ! Les bus se succèdent sur la route et il faut payer pour accéder à un grand complexe bétonné d’où voir les fameuses falaises. Tout cela nous déplait alors on descend sur la plage d’où on peut les admirer se détachant sur le ciel gris, la tête en l’air et les pieds sur un tapis de craie. J’en profite pour ramasser quelques éclats de roche blanche, mes cours auraient probablement une toute autre saveur s’ils étaient écrits à la craie de Rügen…
Les petites villes balnéaires qui longent la côte sont souvent charmantes avec leurs belles maisons blanches et leurs longs pontons qui s’avancent dans la mer. Sur le chemin, je m’essaye au vélo couché, ce qui me vaut quelques mémorables cascades et la conviction que j’ai bien fait de rester classique dans mes choix cyclistes.
 Je craignais que de perdre momentanément ma solitude rende plus difficile le contact spontané avec la population. En réalité, le vélo couché intrigue et comme Mathieu n’a pas bien appris ses leçons d’allemand à l’école, je joue l’interprète et réponds aux questions des curieux au point que je pourrais connaitre la mécanique de son vélo mieux que celle du mien 
A Seelin, on est charmé par les lieux alors on s’y attarde. Et on est tellement charmé qu’on décide de renoncer à nos pâtes quotidiennes pour manger en bord de mer. Il faudra certes trouver où passer la nuit ensuite mais sait-on jamais, peut-être que ce soir, le soleil ne se couchera pas… On tarde donc et manque de pot, le soleil se couche ! A la lueur de la frontale et de la dynamo, on s’enfonce alors dans les chemins forestiers et on finit par trouver quelques centimètres carrés praticables à investir au milieu des bois profonds. Au matin, le spectacle de ces arbres magnifiques est enchanteur et nous fait accepter l’humidité ambiante.
La côte est belle, surtout entre les averses. On peut alors rouler sur les chemins de bord de mer, admirer le bleu profond de l’eau, prendre en photo les Seebrücke, ces longs pontons de plusieurs centaines de mètres. On passe par Kap Arkona, joli coin touristique au nord-est de l’île puis par Prora. Sur 5km en bord de mer, un bâtiment s’étend, à moitié en ruine, à moitié rénové. Cette immense barre de béton a été construite pour accueillir les hauts fonctionnaires nazis en villégiature mais n’a jamais été achevée et la nature y a petit à petit repris ses droits. Les vitres sont brisées, certains murs sont éventrés, tagués, effondrés, des arbres poussent sur les toits. Au beau milieu, la plus grande auberge de jeunesse d’Europe et un grand champ où planter sa tente dans ces lieux étranges chargés d’histoire. 
 
On y rencontre Raymond et Michèle avec qui on passe la soirée. Ils nous racontent leurs voyages, vantent les mérites du vélo électrique, défendent l’inutilité du port du casque et font la course pour installer leur campement. Leur énergie est admirable et donne presque envie de vieillir !

 

Ca tombe bien, l’heure de la trentaine a sonné. J’en profite d’ailleurs pour remercier ceux qui m’ont envoyé des messages et à qui je n’ai pas pu répondre pour cause de déboires téléphoniques répétés… Pour fêter ça dignement, on trouve une plage déserte, du poisson à faire griller, du bois à faire brûler.

 

On installe notre maison d’un soir au bord de l’eau sur un tapis d’herbe coupée et on regarde le soleil se coucher avec des flammes dans les yeux. Au matin, le bruit des vagues est toujours aussi doux mais la plage n’est plus déserte et on se rend compte que nous sommes en terrain naturiste ! Baigneurs, joggers et joueurs de pétanque sont nus comme des vers. Le spectacle au réveil est surprenant ! Mais l’été est enfin là, la plage est belle, le sable est chaud et on passe une bonne partie de la journée à lézarder au soleil comme des vrais vacanciers !
 
Après la liseuse, mon téléphone rend l’âme. La condensation des nuits en tente, le sable blanc des plages, la rosée dans les herbes hautes, c’est trop pour lui ! Et il décide sans préavis de ne plus se rallumer. Alors de retour sur la terre ferme, je lui trouve un remplaçant dans la même rue de Stralsund qui m’avait vue changer ma liseuse quelques jours auparavant.
Le lendemain, on joue les fiers à bras en poussant nos lourdes montures sur la plage. Le temps d’une photo, j’abandonne Frida sur le sable léché par les vagues. Grave erreur ! La béquille cède, le vélo et son chargement s’étalent lamentablement. J’accours, je relève la bête, je ramasse les affaires répandues alentour avant que la mer ne les dévore. Tout semble sauvé des eaux. Plus tard, il faut se rendre à l’évidence, le téléphone manque à l’appel. Et pour cause, il gît sous les flots… Malgré mon brevet de secourisme, pas moyen de le faire revenir à la vie ! Il aura vécu ce que vivent les roses, l’espace d’un matin…
Comme le temps et la géographie le permettent, on fréquente peu les campings officiels et on leur préfère les champs, les plages, les forêts. Le bivouac étant autorisé en Allemagne, on décide que nous sommes partout chez nous, là où sont posées nos tentes, et pour l’instant, personne n’a rien trouvé à y redire ! La nature manque tout de même cruellement de connexion internet et de prises de courant, d’où mes messages moins fréquents…
De temps en temps, on tâche de se reciviliser en se confrontant à quelques zones urbanisées. On ne fait qu’un passage éclair à Rostock consacré surtout à la tournée des magasins de téléphones et on s’attarde un peu plus à Wismar dont les ruelles pavées, les maisons en briquettes et les roses trémières nous plaisent bien. Et puis on retrouve la nature, les plages, le sable par exemple sur la magnifique île de Poel.
On ramasse de l’oseille sauvage, du tilleul, de la camomille, on glane des petits pois, des fraises, des fèves, on fait des concours de cracher de noyaux de cerises cueillies sur le bord des chemins, on goute le jus d’argousier, spécialité locale, on fait sécher le linge entre les deux vélos, on s’extasie devant les couchers de soleil, on s’éclaire à la bougie,  on se bat héroïquement contre les nuées de moustiques, on se lave à l’eau froide bidon, on truande parfois en pratiquant la douche clandestine dans une port ou un camping… Et cette vie-là est délicieuse…   
 

 

 

 

4 Comments

  • Anonyme

    ah oui, je confirme que tu es titulaire de brevet de secourisme !!
    Encore bonne route !!
    Amandine

  • Céline M

    30 ans et tu es radieuse! Cette liberté te va à merveille!
    Encore un mois sur la route avec Frida et on te retrouvera pour faire la fête… enfin si je récussite!
    A très bientôt
    Céline

  • Geneviève

    D'abord, joyeux anniversaire, mais j'ai le sentiment que tu t'en souviendras longtemps de celui-là !
    Méfiance avec la craie…. elle provoque de mystérieuses allergies (mais on en reparlera à la rentrée!) Profite bien de tout !