Ils se marièrent et ils eurent beaucoup de vent
L’idée de se marier trainait vaguement dans un coin de notre tête depuis quelque temps mais sans projet concret ni empressement. Et puis un jour, en se renseignant sur le Danemark dans nos préparatifs de voyage, on découvre que c’est un peu le Las Vegas européen, qu’on peut s’y passer la bague au doigt sans y être résident et en dehors des quatre murs d’une mairie.
De mon premier tour d’Europe il y a dix ans, j’ai ramené le souvenir d’un shelter paradisiaque tout au nord du pays. Une clairière d’herbes folles au dessus de la mer, gardée par un vieux moulin blanchi à la chaux, le dernier en fonctionnement du pays. C’est décidé, c’est là que nous nous marierons, avec nos filles et nos deux témoins, le jour du solstice d’été, celui où la nuit n’est jamais vraiment noire. Et nous traverserons l’Europe à vélo pour y arriver.
Sur le papier, c’est non seulement possible mais super simple administrativement. Dans les faits, ça l’est beaucoup moins et Miha a bataillé trois mois avec des répondeurs de mairie en danois et des secrétaires peu enclines à la discussion. Après bien des tergiversations et quelques concessions, on obtient un rendez-vous avec un officier de la mairie de Frederikshavn le 20 juin à 11h sur la plage de Skiveren, à deux petits kilomètres du shelter où nous célèbrerons les festivités.
Et puis la date approchant, on se dit que c’est quand même un peu triste de ne pas convier nos parents, d’autant que les miens seront avec nous à ce moment-là, et que ça leur ferait sûrement plaisir de partager ce moment avec nous. Alors en une soirée, depuis l’île de Møn, Miha prend un vol pour sa mère et je réserve un gîte à Tversted, tout près de la plage et du moulin. On pense à tous ces couples qui ont passé des soirées à s’arracher les cheveux sur la liste des invités ou le plan de table et on se dit qu’on s’en sort plutôt bien !
Le gîte ressemble à toutes ces maisons de vacances qu’on voit au Danemark : une maisonnette en bois simple et propre sur un grand terrain. Celle-là a même une piscine intérieure qui fait le bonheur des filles… et de nous aussi d’ailleurs… Et nous voilà donc réunis le 19 juin avec nos parents et Marta, la témoin de Miha venue de Malmö et Joachim, mon témoin venu d’Uppsala.
La journée est belle et nous allons tous ensemble à Skagen, le point le plus au nord du pays où la mer du Nord et la baltique se rencontrent. C’est très touristique et assez peu pittoresque mais ça fait une jolie promenade et l’occasion d’acheter du poisson à faire griller et un bouquet pour la mariée. Au retour dans le gîte, c’est l’affolement : la piscine déborde ! Impossible d’accéder au local technique fermé à clé ni de joindre l’agence qui gère la location. On cherche le compteur d’eau, les évacuations, le moyen de syphoner la piscine pour la vider… ce qui nous fait bien rire et nous occupe un bon moment. On se dit que faire 4000 km à vélo pour se retrouver à gérer des problèmes de débordement de piscine intérieure, c’est vraiment pas de chance ! Et aussi qu’on aurait mieux à faire une veille de mariage…
Et puis Miha découvre qu’une interdiction nationale de barbecue vient d’être décrétée pour cause de sécheresse… il n’y aura donc pas de barbecue le lendemain midi après le passage à la plage. Le projet initial de nuit de noce au shelter transformé en barbecue au shelter devient donc en quelques secondes apéro au shelter. C’était pas le plan mais on développe des bonnes capacités d’adaptation quand on voyage à vélo et le plus important reste qu’on soit ici ensemble.
Le lendemain matin, on enfile nos robes blanches et nos couronnes de fleurs et on rejoint la plage en tandem. L’officier de mairie est là, simple et sympathique, avec deux étoiles de mer en verre comme cadeau de la commune. Elle nous dit qu’elle a déjà célébré quelques mariages sur la plage mais jamais aucun de prétendants venus à vélo. En quelques mots, nous voilà mariés, de manière simple mais singulière, comme on l’avait voulu. Après deux accouchements et un mariage à vélo, on se dit qu’il ne nous reste plus que le corbillard à deux roues pour continuer dans la lancée !
Sur la plage, on prend des photos, on court sur le sable, on savoure le paysage. Les filles qui courent pieds nus au bord de l’eau dans leurs robes blanches ressemblent à Anna Paquin sur la plage de La Leçon de Piano. Le ciel est gris mais le moment est magnifique.
Et puis on quitte la plage pour aller au moulin boire le champagne et manger du foie gras. Et danser dans l’herbe. De retour au gîte, les filles préparent le gâteau avec Joachim et Anna. Un délicieux gâteau à la suédoise de génoise, de crème et de fraises décoré de personnages en playmobils, on fait avec les moyens du bord ! Tout est comme on l’imaginait, aussi beau que simple…
Le lendemain est pluvieux, l’occasion de passer une journée tranquille avant de se quitter et de reprendre la route. On cuisine ensemble les fameux smørrebrød danois et on profite de la piscine qui ne déborde plus. Miha casse son téléphone, ce qui lui fait à peu près aussi peu d’effet que quand j’ai perdu mon porte-feuille. On est heureux de ces quelques jours ensemble, de ce mariage qui nous ressemble, de ces deux mois de voyage qui nous restent encore… mais on sait aussi qu’on va avoir un peu de mal à se remettre en selle après ces beaux moments à plus que quatre.
Et puis il est temps de se séparer. Sur le parking près du moulin, mes parents partent vers le sud avec la mère de Miha qu’ils déposent à l’aéroport et nous partons vers le nord pour revoir encore une fois le Stokmølle de Tversted et la plage de Skiveren. Emus, on se promet d’y revenir… dans 10 ans… à vélo bien sûr !
Pour notre dernière nuit au Danemark, on repasse sur la côte est et on dort dans un shelter magnifique de plus, face à la mer. A Frederikshavn, on va voir la fameuse plage de palmiers puis on retrouve Joachim, Anna et le petit Emric dans le ferry qui nous mène à Göteborg. Deux heures après le départ, la boutique d’alcool du bateau ferme : nous venons de passer la frontière suédoise où la vente d’alcool n’est pas libre.
Voilà, nous avons quitté le Danemark avec un pincement au coeur après un mois de shelters quotidiens, de plages immenses, de nature préservée, de ciel bleu, de calme, de beauté, de sérénité. J’ai converti Miha sans mal à mon amour de ce pays et nous y sommes désormais définitivement liés…
One Comment
claudie
Et dans 10 ans, les filles pédaleront … enfin, peut-être !
Merci pour ces grands moments de bonheur inoubliables .
Des gros bisous pour la suite de votre voyage.