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Tour d'Europe

Et de 7000 !

    Sur les conseils de Vlady rencontré il y a quelques mois sur le ferry du Danemark à la Suède, on fait un détour par l’île de Vlieland. Elle est aussi petite que charmante, en particulier parce que les voitures y sont rares. On trouve facilement un endroit tranquille dans les dunes pour y poser notre maison sur un tapis de lichen et on embarque au matin pour une épique traversée vers l’île de Texel dans un décor fascinant.

    Le sud de Vlieland n’est qu’une immense plage de sable blanc entre le ciel et l’eau, une lande déserte que l’on ne peut franchir qu’à bord d’un redoutable poids-lourd tout terrain amphibie. Très vite, on quitte la civilisation pour se retrouver dans un univers digne d’un jeu vidéo. Quelques carcasses d’engins de guerre abandonnés, la mer qui dévore le sable par endroit, des nuages de goélands qui prennent leur envol sur notre passage. Le paysage est presque irréel et puis, au milieu de ces immensités humides, un maigre ponton bancal qui mène à un grand bateau plat. Les roues à moitiés noyées, l’engin nous dépose sur cet échafaudage improbable qui semble avoir poussé là par hasard. Il est si étroit que les vélos y passent à peine et les troncs dont il est construit semblent bien trop frêles pour supporter notre poids. Quelques phoques pointent le bout de leur nez au dessus de l’eau, l’écume nous éclabousse, le vent nous pousse.

    Après la nuit à la belle étoile au Danemark, cette expérience est l’une des plus intenses de ce voyage…
    L’île de Texel nous semble moins pittoresque que sa voisine Vlieland mais on apprécie tout de même les vanneaux piaillants, les cerfs-volants multicolores, les digues ovines, les dunes bovines…

 

     On retrouve ces mêmes paysages le long de la côte qui nous mène jusqu’à Amsterdam et après quelques jours dans la nature profonde, le choc est brutal. Dès l’entrée dans la ville, les embouteillages de vélos se succèdent et il nous faut bien maitriser nos lourdes montures pour parvenir à éviter les collisions ! 

    Amsterdam vaut bien qu’on s’y arrête quelques jours alors on s’offre deux nuits au camping et l’agitation, la promiscuité, les ronflements alentours nous font vite regretter nos champs coutumiers ! On préfère même largement aux campeurs les moustiques voraces, les mouettes rieuses, les bernaches en troupeaux, les chevreuils en rut, les lapins curieux, les hérons bihoreaux criards et les libellules que Mathieu charme en jouant de l’harmonica !
    Mais la ville est folle et délicieuse. Nous y sommes un weekend et elle grouille d’une foule sympathique et de saltimbanques musiciens. Tourisme oblige, on flâne longuement le long des canaux et on ne se prive pas d’un tour dans le quartier rouge ni d’une tournée des coffee shops.

   Et puis on quitte définitivement la côte, on reprend nos chemins buissonniers et on trouve sans mal des routes agréables pour rentrer dans les terres. Nous sommes bel et bien dans la patrie du vélo. Toutes les routes sont doublées d’une piste cyclable et il arrive que la partie dévolue aux biclous soit même plus large que celle des voitures. Les cyclotouristes ne sont pas rares non plus mais tous nous regardent d’un drôle d’œil lorsqu’on leur confie qu’on fréquente peu les campings officiels. Le camping sauvage n’est décidément pas dans les mœurs locales.

     Pourtant, nous n’avons aucun mal à trouver des coins tranquilles, rien à voir avec  mon expérience d’il y a 8 ans – n’est-ce pas Lucie ?! Je reconnais en tout cas les moulins recouverts de chaume, les rayons gouda des supermarchés, les carillons tintinnabulant des églises, le cloitre de la cathédrale d’Utrecht, les ponts à bascule,  les canaux partout et les mâts s’élevant de la plate campagne… Et les panneaux « doorgaand verkeer » que nous refusions de suivre puisque cette ville n’était pas indiquée sur notre carte, jusqu’à ce qu’on se rende compte qu’ils signifient « toutes directions » !

    Puisque nous comprenons désormais les indications, on arrive sans problème à Utrecht qu’on trouve ravissante. Ses canaux omniprésents, ses quais verdoyants, ses terrasses animées, ses façades colorées. On y croise quelques énergumènes étrangement accoutrés et on se dit que la mode ici n’est pas banale ! Au pied de la cathédrale, on découvre l’origine de ce défilé : nous arrivons en plein « dark underground lifestyle festival » ! Le spectacle est amusant et on s’y attarde un moment. Au beau milieu de ce sombre public, un accordéon, un violon, une flûte et quelques folkeux qui dansent entre les parterres de fleurs du cloitre ! Je reconnais quelques têtes croisées en festival et me rassure : je n’ai rien oublié de la scottisch ni de la mazurka !

    Depuis Amsterdam, plus aucun doute que nous sommes sur le chemin du retour… Alors on tente de pédaler à reculons mais inéluctablement, la France approche… Si l’esprit est toujours aussi enjoué et enthousiaste, le matériel commence à réclamer quelques vacances ! Entre les fesses et la selle, le torchon brûle, la tente et le duvet sentent sérieusement l’animal sauvage, le matelas autogonflant est désormais surtout autodégonflant ! Mais tout cela n’enlève rien au plaisir du voyage. J’essaye juste de trouver des raisons qui pourraient me faire accepter que toutes les bonnes choses ont une fin…
 
 
 

One Comment

  • Geneviève

    Ouh, ça va être dur l'arrivée ! Mais ce qui fait plaisir en lisant ton blog c'est que l'on sent que ce voyage t'a apporté ce que tu attendais et espérais et tu nous as prouvé que cette douce folie était un rêve réalisable. Merci pour ce blog !