Carnet de route

Des frites et de la bière !

Après notre passage à Nethen, on repart plein est pour rejoindre la Meuse à Maastricht. Pour une fois qu’on roule dans le sens du vent, il ne souffle pas ce jour-là, pas de bol ! On pédale sur la frontière entre Flandres et Wallonie, passant de l’une à l’autre et on s’étonne de cette frontière, au moins linguistique, si nette au coeur d’un même pays. Et on s’interroge et interroge sur ce qui fait l’identité belge.

On pédale parfois le long de routes, parfois au milieu de vergers croulant sous les fruits mais malheureusement pas encore mûrs. Le soir, on s’installe sur une « bivakzone », l’une de ces aires recensées sur la carte où il est autorisé de passer la nuit et où on trouve des toilettes sèches, quelques tables et de quoi faire du feu. C’est pas l’endroit le plus charmant qui soit, on sent l’humidité de la forêt au milieu de laquelle on est et on entend la grande route pas très loin. Et puis il y a deux jeunes un peu bizarres installés plus loin et on n’est pas totalement à l’aise mais pour une nuit, ça fera l’affaire. Ce qui est bien, c’est qu’on est juste à côté d’une réserve naturelle et on va se promener jusqu’à un joli observatoire à oiseaux en bois au dessus d’un lac. 

La journée du lendemain s’annonce un peu plus longue et un peu moins plate que d’habitude mais on dirait que le soleil s’est installé pour de bon et ça fait du bien. On ne suit pas d’itinéraire balisé et pour ne pas avoir le nez collé à la carte, on décide de se convertir à la navigation au point noeud qui nous semblait barbare mais s’avère en réalité bien pratique. Chaque croisement a un numéro qu’on trouve sur la carte et sur place, et à chaque intersection, tous les numéros alentour sont fléchés. Il faut donc préparer la suite de nombres qui constitue notre itinéraire et il est ensuite très simple de les suivre sur le terrain. 

On arrive en fin d’après-midi chez Maddy et Mathieu où on sait qu’on pourra planter notre tente et on découvre un coin de paradis. Le jardin est splendide et on s’installe entre un prunier plein de Reines Claude et une belle structure de jeux. Dans une maisonnette juste à côté, il y a une salle de bain et une petite cuisine avec un frigo plein de toutes les boissons possibles. Et tout à côté, comble du bonheur, une piscine ! Depuis notre départ, c’était le premier jour où on atteint les 25° et on n’aurait pas rêvé mieux qu’une baignade. Les filles trépignent de bonheur et nous on n’en revient pas de ce couple si généreux avec des voyageurs inconnus. Un peu plus tard, ils nous proposent de partager un verre avec eux et on passe une belle soirée à discuter sur leur terrasse. 

Nous ne sommes qu’à quelques kilomètres de Maastricht et on repasse donc la frontière néerlandaise pour quelques heures. Le ville nous semble aussi belle qu’animée. On s’y promène un long moment, on rentre dans les églises, on regarde les vitrines, on achète plein de fruits et on mange un dernier kibbeling au marché avant de rejoindre la Meuse qu’on ne quittera (presque) plus. 

Ces premiers kilomètres le long du fleuve ne sont pas folichons et ça se gâte carrément quand on approche de Liège. On sent directement qu’en Wallonie, la culture du vélo est beaucoup moins ancrée et même si on croise beaucoup de cyclistes du dimanche, l’état des aménagements cyclables n’est clairement pas celui des Pays-Bas ou de la Flandres… Le paysage est déjà plein de bâtiments désaffectés et on sent bien qu’on est dans une région post-industrielle dès qu’on traverse un village.

A Liège, on pose notre tente sur les hauteurs de la ville, dans le jardin fraichement tondu de Laurence et Antonin. On vient de traverser une morne banlieue pleine d’usines et bagnoles et nous voilà entourés de collines où paissent des moutons, le contraste est saisissant ! Nos hôtes ne sont pas chez eux ce soir-là mais laissent leur maison ouverte et on passe une bonne soirée dans ce jardin qui pourrait être le nôtre. Par réflexe, on jette un oeil à la météo et on se rend compte que ces deux journées estivales étaient une fausse alerte : la pluie est annoncée et elle ne tarde effectivement pas à tomber !

Au réveil, il pleut des cordes et on traine longuement dans la tente avant d’oser installer notre cuisine dans un coin de la maison. On voudrait bien être discrets mais Charlie et Nora, les deux fillettes de nos hôtes, sont réveillées et tout le monde est bien content de trouver des camarades de jeux, de danse, de dessin… Les filles s’amusent et nous on discute, pas très pressés de partir vue la météo.

On demande des conseils pour visiter Liège et nos hôtes nous préviennent que la ville est en travaux depuis des années et les rues défoncées. Effectivement, on se retrouve rapidement à galérer avec nos énormes vélos entre les déviations, les passages trop étroits, les barrières et les flaques. En passant devant l’immense escalier de la montagne de Bueren, on se rend compte qu’on est déjà venus il y a 3 ans… et que la ville ne nous avait vraisemblablement pas marqués ! Ce coup-ci, au moins, on se souviendra des galères ! Après une promenade en parapluie, on va quand même manger une délicieuse gaufre de Liège dans une pâtisserie qui semble être une institution locale puis on quitte la ville mais pas les travaux et on en bave encore sacrément pour enfin rejoindre la Meuse et la véloroute. 

Jusqu’à Namur, c’est parfois joli mais toujours industriel et souvent désaffecté…. On a connu plus bucolique… On se demande où on va pouvoir planter notre tente et on mise sur une gravière repérée sur la carte. En plus de la route et de la voie ferrée jamais très loin dans la vallée, elle est coincée entre une caserne, une station d’épuration, une centrale nucléaire et un camp de gitans qu’on découvre en arrivant. Mais en s’enfonçant dans des chemins à peine praticables, on finit par trouver une petite plage inespérée qui fait notre bonheur pour la nuit. 

Le lendemain est ensoleillé et on pédale fort jusqu’à Namur qu’on voudrait visiter avant d’aller chez un hôte warmshower qui peut nous accueillir. Après notre expérience de Liège, on ne s’attend pas à grand chose mais la ville est incroyablement vivante et animée. Les terrasses de cafés et de restaurants débordent sur les rues, devant les glaciers, les queues sont interminables. C’est enfin l’été ! Alors on mange une glace et on boit un coup. Namur nous plait ! Et nous plait d’autant plus quand on arrive chez Christophe et ses filles chez qui on passe la nuit.

Alma et Léna passent la soirée à jouer aux barbies et nous on discute de monocycle, d’identité belge et de scoutisme… en buvant de la bière belge évidemment ! D’ailleurs, après deux semaines à traverser la Belgique dans un sens et dans l’autre et à interroger les Belges qu’on a croisés, je crois qu’on peut conclure que l’identité belge, c’est la bière et les frites ! Le matin, les filles ne tardent pas à se lever, elles ont une partie de Bonne Paye à finir avec Capucine et sa copine avant qu’on prenne la route. 

Il fait chaud mais on sait que la vallée sera beaucoup plus sauvage et charmante après Namur alors je regarde rapidement sur la carte où rattraper la véloroute et on part joyeusement en continuant à suivre les panneaux de la veille qui indiquent Charleroi. La Meuse est bien étroite mais malheureusement, ça ne nous interpelle pas, on s’étonne seulement que Dinant pourtant si touristique ne soit toujours pas fléché. Et puis au bout de 15 km, j’ai un flash : on a chopé la mauvaise rive en partant et on est en train de suivre la Sambre, pas la Meuse. 15 km, sur plus de 6000, c’est pas grand chose mais sur le moment, ça nous gave bien de faire demi-tour. A moins que ce ne soit mon inconscient qui ait regardé la carte et décidé que nous ne rentrerons pas par le chemin le plus court ?!

Toujours est-il qu’il faut faire demi-tour et nous voilà donc de retour à Namur en début d’après-midi…. C’est toujours aussi animé et les bords de Meuse le sont aussi. On croise des guinguettes et des glaciers, des promeneurs et des cyclistes de tous âges, c’est bien agréable… A la hâte, on envoie quelques messages sur Welcome to my garden et on trouve un jardin digne d’un golf où poser notre tente un peu avant Dinant qu’on pensait dépasser. 

Dinant le 15 aout, c’est vraiment pas une bonne idée de s’y pointer avec des vélos chargés. Une brocante géante occupe les quais des deux côtés de la rivière et la foule de touristes est incroyablement dense. Il y a aussi la fameuse frégate des baignoires, une course sur l’eau avec des embarcations fabriquées dans la journée à partir d’une baignoire et de deux bidons. Les façades sont très belles mais on a un peu de mal à en profiter sereinement. On parvient à poser nos montures le temps de faire un tour dans l’église, pile au milieu de la messe avec l’accent belge, et d’acheter une couque, improbable spécialité locale à base de farine et de miel uniquement. La patissière nous la présente comme une friandise à laisser fondre dans la bouche, nous on doute même de sa comestibilité tant c’est coriace et insipide.

En tout cas, ça nous donne assez de force pour atteindre ce jour-là les 6000 km au compteur et passer la frontière française. La boucle est presque bouclée… 

2 Comments

  • Pascale BARATTEJean-Marc Baratte

    Nous souhaitons un bon atterrissage à toute la famille. Le retour à la maison va sans doute être bizarre.
    Nous avons suivi votre belle aventure depuis 6 mois et avons revécu à travers vous, nos différents voyages à vélo dans tous ces pays. On s’est tellement fait souvent les mêmes réflexions que vous !
    Nous sommes dans le train du retour depuis l’Allemagne après un mois dans 4 pays et le mêmebronzagequevous :). Nous retiendrons les belles infrastructures allemandes et autrichiennes, les pluies diluviennes slovènes et les voies vélo souvent réduites à des chemins caillouteux remplis d’ornières de république tchèque. Mais aussi de beaux paysages et toujours le bonheur et la liberté de rouler à vélo !
    Au plaisir de vous croiser au coin de la rue.
    P et JM

    • Jeanne

      Le bonheur et la liberté de rouler à vélo… C’est aussi ce qu’on aime tant… Et on y pense fort quand il faut bien atterrir !