Carnet de route

De retour en Francophonie

L’été a décidément décidé de se faire désirer… 

Après notre journée de pause à l’abri chez Vlady, on reprend la route le long de l’IJssel et une fois les averses du matin passées, on aperçoit même quelques rayons de soleil. La route est très calme et agréable et vue la météo, on ne croise pas grand monde sur les pistes cyclables. 

Comme d’habitude, on a trouvé un camping avec une pièce à l’abri parce que la météo de la nuit et surtout de la matinée suivante est exécrable. Le soir, on peut tout de même manger dehors, jouer avec les tricycles, et tenter une partie d’échecs géants un peu perturbée par les interventions intempestives des filles qui déplacent et remplacent les pièces… par le pot de Léna par exemple !

Comme prévu, il pleut à grosses gouttes au matin. On s’installe dans le petit cabanon à l’abri pour déjeuner, puis feuilleter des livres en néerlandais, puis danser tous ensemble, puis plier la tente plus mouillée que jamais, puis attendre impatiemment en regardant tomber la pluie… On part finalement vers midi en direction de Arnhem à travers une belle forêt pleine de myrtilles et de vaches à poils longs. Evidemment, on se fait saucer en chemin et on arrive trempés et affamés en ville.

Dans la première brasserie qu’on trouve, on s’interroge sur la suite, l’appli météo pleine de nuages et de gouttes sous les yeux. Un nouveau festival de drache est annoncé pour la nuit et on se dit qu’il faudrait vraiment trouver de quoi dormir au sec. Le problème, c’est qu’il y a très peu de locations à la nuit et que les hébergements de camping style mobilhome ou cabane sont souvent hors de prix et déjà réservés. Par chance, on dégotte un petit chalet disponible uniquement cette nuit-là pour 50€ à 25 kilomètres de la ville. Il est 17h et il souffle un vent à décorner les bœufs mais la motivation est assez grande pour qu’on décide à l’unanimité d’y aller.

On pédale donc contre vents et saucées jusqu’au petit bateau par lequel on doit traverser le bras du Rhin de l’autre côté duquel nous attend un toit et un lit. Et là, c’est le drame : le dernier bateau part à 18h et le pont suivant est à 15 km. J’ai beau maudire les bateaux, les fleuves, les météorologues et les ingénieurs des ponts et chaussées, ça ne nous aide pas à traverser cette flotte et il faut donc se résoudre à renoncer au confort dont on rêvait et à trouver un autre camping à proximité.

Par chance, aux Pays-Bas, il y en a tous les 3 km et on trouve sans difficulté un endroit où poser notre tente humide. Et pour nous consoler, ce camping est l’un des meilleurs qu’on trouve : une vraie cuisine avec tout à disposition, un salon cosy et chaleureux, de quoi faire sécher du linge à l’abri, des petits vélos pour fatiguer les filles, des glaces et des boissons à disposition, du café et du thé offerts pour le petit dej et d’autres cyclistes sympas ! 

Au milieu de la nuit, un coup de tonnerre tonitruant nous réveille en sursaut. Le bruit de la pluie sur la tente est si assourdissant qu’on doit presque crier pour s’entendre. Les filles, pourtant, dorment paisiblement. Nous, on bricole avec serviettes, parapluie, journaux, kway pour essayer d’absorber les flaques et de sauver des eaux les duvets et les vêtements. Dehors, une des sacoches qu’on a laissée sur le vélo se remplie sans que l’on sache comment mais ça, on ne s’en rend compte que trois jours plus tard !

Le matin, on fait sécher les duvets pendant qu’on déjeune et que les filles regardent des dessins animés en néerlandais mais la pluie ne s’arrête pas. Le record établi la veille du taux d’humidité de la tente au moment du pliage est battu à plates coutures, on a l’impression que le sac pèse deux fois plus que d’habitude ! De toute façon, on sait bien qu’on ne réussira pas à rester au sec ce jour-là alors on y va et on pédale comme des couillons, le nez dans le guidon. On ne compte plus les averses qui nous détrempent mais comme un bon vent de face souffle lorsque la pluie s’arrête, on sèche relativement vite. Impossible de trouver un endroit où manger à l’abri et on finit sous un pauvre parasol devant le Spar d’un village mort… un grand moment de glamour…

On passe Nijmegen sans s’y arrêter et on continue à batailler contre le vent vers l’ouest le long de la Meuse. La piste cyclable est si humide qu’on y croise quelques écrevisses égarées qui doivent apprécier le bruit de nos pieds pataugeant dans les chaussures…

On arrive pas trop tard dans le petit camping qu’on avait repéré et comme la pluie semble s’être calmée pour un moment et on déballe toutes nos affaires pour les faire sécher. On est un peu l’attraction et on nous observe avec sympathie et compassion. On enchaine les parties de jeu de l’oie et de petits chevaux et on se couche finalement presque au sec.

Le matin, on peut apercevoir quelques coins de ciel bleu entre les nuages et on prend la route gaiment. Quand le ciel devient méchamment sombre, on s’engouffre dans le supermarché le plus proche et on échappe avec brio à la saucée du jour. Dans le village, on trouve un petit kiosque pour pique-niquer à l’abri juste à côté d’un enclos avec des chèvres, des daims et tout un tas de volailles. On croise ce genre basse-cour hétéroclite dans beaucoup de villages avec parfois même avec des kangourous ou des lamas pour le plus grand bonheur des filles. Ce qui fait leur bonheur quotidien aussi, ce sont les aires de jeux si nombreuses et créatives. Ce jour-là, on passe par la plus ancienne du pays où on reste un bon moment à les faire tourner et balancer sur tout un tas d’accessoires.

Pour notre dernière nuit aux Pays-Bas, on trouve un tout petit camping au milieu des arbres sur les bords de la Meuse. Tout y est charmant sauf le prix. Et la vaisselle à l’eau froide. Et l’unique douche. Et l’odeur de fosse sceptique. Et le coq qui s’égosille dès l’aurore en crottant sur les tables… Finalement, on se dit que les guirlandes de drapeaux népalais et le traitement des eaux naturel, c’est bien sympa mais ça vaut quand même pas de payer 40€ pour dormir par terre sur le territoire d’un coq zélé !

De la pluie est encore annoncée et Janez, à qui on va rendre visite à Mol, a proposé de venir nous chercher avec son camping-car mais symboliquement, on voudrait passer la frontière à vélo, à 40 km de là. On y arrive en début d’après-midi, trempés comme des soupes. La France nous semble désormais si proche… Dès la frontière, ça sent la frite et le premier magasin est un supermarché à bières. Pas de doute, on est en Belgique ! Au cas où un doute subsisterait, Janez nous accueille avec une marmite de moules, voilà bien quelque chose qu’on n’a pas mangé depuis bien longtemps.

La pluie tombe à grosses gouttes toute la nuit et tout le lendemain aussi alors on reste au sec et en bonne compagnie une journée de plus. On cuisine une tarte aux pommes et des pizzas, on écoute des histoires et on lit des livres en slovène, on s’amuse avec le piano et les guitares… 

Ici, c’est aussi plat qu’aux Pays-Bas et en plus, les routes sont parfaitement rectilignes. On fait donc 25 km tout droit le long d’un canal jusqu’à une ville qui sent la gaufre puis on tourne à gauche et on refait 25 km d’une piste cyclable tout aussi droite à travers la forêt. C’est assez monotone mais reposant et même presque agréable de sentir quelques rayons de soleil sur notre peau.

Ce soir-là, on essaie pour la première fois « Welcome to my garden », un réseau qui permet de dormir dans le jardin des gens, et nous arrivons chez Nele qui nous propose de nous installer juste à côté du trampoline, les filles ne pouvaient pas rêver mieux ! Le jardin est verdoyant et agréable, c’est un chouette endroit pour y passer une nuit. 

Le matin, on décolle un peu plus tôt que d’habitude pour continuer notre tournée des copains de Belgique. On traverse Leuven puis on continue vers le sud jusqu’à chez Anca, Rashu et Thomas dont on découvre la nouvelle maison-chantier. On passe avec émotion la frontière de la Wallonie, après 5 mois à parler tout un tas de langues, nous voilà de nouveau en francophonie… même si ce soir, on parle encore anglais ! Comme toujours avec eux, le repas est délicieux, le vin coule à flot, les conversations vont bon train. Au milieu du repas, la pluie nous surprend et on rentre à la hâte mais on s’en fiche : ce soir encore, on est à l’abri et pour les jours d’après, il y a un grand soleil dessiné sur la carte de l’appli météo ! 

Demain, on change de direction et on prévoit de pédaler plein est pour rejoindre la Meuse vers Maastricht. La Meuse qui nous mènera si près de Nancy…