De l’océan à l’estuaire
Effectivement, nous n’avons pas été trompés sur la météo : il pleut quand on se réveille, il pleut encore pendant qu’on range nos affaires, il pleut décidément quand on traine à l’abri et il pleut toujours quand on se résigne à quitter la caravane au milieu des pins dans laquelle on était si bien…
La pluie n’est pas trop méchante mais le froid est perçant et le mélange des deux guère appréciable. On empile alors tous nos vêtements, on range les filles dans la charrette bâchée et on pédale une vingtaine de kilomètres, l’occasion de tester l’étanchéité de notre matériel et le résultat est sans appel : le combo sous-gants en mérinos + gants de vaisselle est assez convaincant mais ma gore-tex a pris de l’âge et prend désormais l’eau…
A l’heure du pique-nique, on trouve de quoi s’installer à l’abri sur le perron d’une mairie au bord de la route et on grignote notre repas en grelottant avant de reprendre la route pour Parentis-en-Born.
La veille, j’avais contacté Mickaële qui fait partie d’un groupe d’hébergeurs de cyclistes mais sa chambre d’amis était déjà occupée. On se dit donc qu’on avisera sur le moment mais un peu plus tard dans l’après-midi, elle me rappelle : elle a mis un message sur le groupe facebook de sa ville et a trouvé une famille qui peut nous offrir un coin de canapé pour la nuit ! Ce genre de démarche, de la part de Mickaële et de celle de Sophie qui s’est proposée pour nous accueillir, donne vraiment confiance en la bonté humaine !
Nous voilà donc dégoulinants de pluie, au numéro 101 de l’impasse dans laquelle vivent Sophie, Alexis, leurs trois enfants et leur passion de la mécanique automobile. On a un peu l’impression d’arriver comme des cheveux sur la soupe, nous un peu mouillés, crados, déconnectés, eux pris dans leur quotidien bien rempli… Et puis les filles s’échappent pour jouer dans la chambre de Camille, on discute entre adultes, on douche les enfants, on cuisine une marmite de soupe, on partage un repas, on déplie le canapé-lit… tout se fait simplement et c’est super ! On est impressionnés d’avoir été accueillis si naturellement… l’aurait-on fait nous-mêmes pour des voyageurs inconnus…?
En tout cas, les filles profitent de la compagnie des petiots et nous on savoure les rencontres que ce voyage permet de faire.
Mercredi, il est encore censé pleuvoir mais le ciel est clair au matin et comme en plus, on a le vent dans le dos, on trace jusqu’à Sanguinet sur des belles voies cyclables longilignes au milieu des pins. Pour préserver mon genou et pour échapper aux orages de fin d’après-midi, on délaisse la Vélodyssée et ses dunes entre Biscarrosse et Arcachon. On manque donc à regret la dune du Pyla et les belles villas d’Arcachon que nous connaissons un peu… il faut déjà se résigner à ne pas tout voir… On trace donc tout droit de Sanguinet à La Teste de Buch, sur une interminable département venteuse qui semble dessinée à la règle. Nous ne sommes pas souvent sur les routes et nous ne sommes pas tranquilles mais cet itinéraire aura au moins permis une rencontre virtuelle : dans l’après-midi, on reçoit un message de quelqu’un qui nous félicite et nous encourage, quelqu’un qui nous a doublé sur un rond-point. On met un peu de temps à percuter et on en comprend finalement que nos fanions nous font une bonne pub !
Et puis tout de même, cette trop grande route nous permet d’arriver chez Guy et Marie-Claire avant la pluie, pile à l’heure du gouter ! Ici aussi, l’accueil est royal. On nous prête une maison toute entière, avec lit douillet et douche chaude et on partage un bon repas et une agréable soirée autour de la table de la salle à manger garnie d’huitres tout juste ramenées du port ! Guy montre aux filles les poissons rouges du bassin et leur fait écouter la mer dans un coquillage, Marie-Claire a sorti les livres de ses petits enfants et fait des tartines de brioche au nutella… quel luxe et quel plaisir…
Le temps est encore incertain mais on prend la route le matin pour longer la baie d’Arcachon et les cabanes d’ostréiculteurs de Gujan-Mestras. Nous y avions mangé des fruits de mer quand Alma avait 2 mois et ça nous semble hier… que le temps passe vite parfois… A partir de Biganos, la piste cyclable est toute droite et traverse des restes de forêts calcinées, c’est beau et triste… C’est aussi impossible de camper, incendie ou pas, dans ces étendues de pins et on se demande où on va pouvoir mettre notre tente le soir.
Sur le parking du magasin où on achète notre casse-dalle, une vieille dame vient nous demander comment il marche notre vélo parce que du vélo, elle en a fait mais des comme ça, elle n’en a jamais vu ! On pique-nique à côté du port, les cheveux dans le vent et les yeux rivés sur les nuages qui deviennent de plus en plus menaçants. Comme on le craignait, le vent souffle fort dans l’après-midi et nous apporte quelques averses que nous n’arrivons pas à éviter.
En arrivant au Porge, on passe devant la mairie et elle ne semble pas encore fermée alors je tente le coup d’aller demander où on peut poser notre tente pour la nuit. La secrétaire est d’abord sceptique puis en discutant un peu, la méfiance s’efface. Elle passe quelques coups de fil, feuillette son classeur, demande conseil à sa collègue puis son visage s’éclaire et elle me parle d’un terrain municipal sur lequel les scouts s’installent parfois, une ancienne grange dit-elle, sur un grand terrain herbeux, avec des peintures d’artistes sur les murs, des moutons, des chèvres, des oies à proximité et avec même un point d’eau… le rêve ! Elle appelle le policier municipal, envoie un mail aux élus, pour informer la population locale de notre présence, c’est l’événement !
Bon, dans les faits, c’est un petit terrain vague assez crado derrière les chiottes municipales avec une maison en ruine taguée et des restes de beuveries ! Mais pour une nuit, ça fera très bien l’affaire alors on plante la tente à l’abri du vent et Miha se lance dans la cuisson de l’aligot et du lard grillé sur butagaz ! Et puis il y a effectivement des oies, ce qui donne à Alma l’occasion de réfléchir à de grandes questions existentielles : y a-t-il d’abord eu une oie ou un oeuf d’oie ?! La solution lui apparait soudain : « Au début, il y a eu un singe qui a fait un oeuf d’oie puisqu’il y a très longtemps, on était tous des singes ! »
Il fait désormais bien plus doux et on s’endort tous tranquillement dans la tente malgré les bourrasques de vent qui la font remuer dans tous les sens. Au matin, le vent est presque tombé et nous pédalons jusqu’au Pian-Médoc dans la fraicheur et l’humidité.
Là, Lucie nous attend chez un ami à elle qui a acheté le vignoble de Bellegrave de Poujeau et chez qui nous pouvons passer la nuit. La maison au milieu des vignes est magnifique, trois chambres et du bon vin nous attendent. Didier nous fait visiter le chai, nous explique la fabrication du vin, les dessous de cet univers qui nous est totalement inconnu et c’est passionnant.
Par contre, il pleut toujours et le vent souffle fort alors Lucie charge les cycles et les cyclistes dans son camion et nous amène jusqu’au ferry qui traverse la Gironde au niveau de Blaye en passant par les magnifiques villages du Médoc. A Blaye, on se promène seuls dans la forteresse où tout est fermé et on finit par manger à l’abri dans un salon de thé… et par continuer la route à l’abri dans le camion de Lucie en se promenant dans les marais en chemin jusqu’à Saint-Fort-sur-Gironde.
C’est ici que vivent Sylvie et Véronique dans une magnifique longère aux beaux volets bleu clair. Elles ont un petit gîte juste à côté de chez elles dans lequel on peut passer la nuit et elles ont un salon qui correspond tout à fait à l’idée qu’on se fait du « hygge ». Elles ont aussi une bonne table bien garnie et plein de discussions intéressantes à partager. On cause de nos expériences cyclistes, nos équipements incontournables, nos souvenirs cocasses, nos projets voyage et elles nous font découvrir le « ghee » qui risque de révolutionner nos petit dej en nous permettant de trimballer du beurre… une révélation !
On nous décrit aussi avec force « oh » et « ouille » la fameuse côte de « tire-cul » à 18% que nous allons devoir gravir le lendemain. On fait un peu les malins… jusqu’à s’y trouver au pied ! Mais notre honneur est en jeu, on la montera sans pousser le vélo ! Et heureusement qu’on y parvient parce que Sylvie et Véronique nous attendent en haut avec leur appareil photo !
Encore quelques coups de pédale dans les marais le long de l’estuaire et nous voilà à Meschers-sur-Gironde, dans cette si belle maison qui nous fait aimer la mer chaque fois que nous y retrouvons Lucie. Comme il pleut et qu’il vente très fort, on en profite pour faire une vraie pause lessive-cuisine-rangement-sieste-jeux-plage-écriture-planification et on fête aussi les 2 ans et demi de Léna avec un tiramisu au cacao périmé depuis 2003 ! Lucie lit des histoires aux filles, on fait un tour dans son atelier, on fait des bons repas, on ramasse des coquillages… c’est pas mal aussi, les vacances sans pédaler !
Mais nous voilà requinqués pour reprendre la route… même avec le vent de face !
3 Comments
MM
Au début, il y a eu un singe qui a fait un oeuf d’oie puisqu’il y a très longtemps, on était tous des singes !
Almantaire ma chère.
Bonne bouffée d’O2 ces récits et images merci et continuez !
Claudie
Je vais réfléchir à l’.histoire du singe et de l’oie, ça me turlupine !
Et ça serait donc pareil pour la poule ?
Sacrée Alma !
Jeanne
Si t’as d’autres interrogations sur la théorie de l’évolution, n’hésite pas à nous demander, on transmettra 😉