Sicile

Benvenuto in Sicilia

   Les galères commencent dès l’aéroport de Francfort Hahn où on embarque pour Trapani. Forts de notre riche expérience en matière de transport aérien de vélos, on les emballe sereinement dans nos 75 mètres de film étirable devant le comptoir Ryanair. mais il semble que le personnel naviguant soit moins arrangeant que d’habitude et on nous impose le carton malgré nos négociations. On réussit à en dégotter un mais impossible d’y faire entrer mon vélo avec son guidon papillon et son porte-bagage avant. On relance donc les discussions pour aboutir à la conclusion qu’il faut seulement que les roues soient cachées. On ne comprend pas très bien à quoi rime cette règle absurde mais on bricole avec les moyens du bord et on arrive donc, nous et nos vélos, en terre sicilienne à la nuit tombée.

   La route jusqu’à Marsala traverse des marais salants parsemés de moulins à vent. C’est gentiment joli…Pour atteindre Selinonte, on décide de longer la mer au plus près, ce qui est certes charmant mais nous impose souvent de pousser les vélos ou de rouler sur le sable qui envahit routes, jardins, trottoirs…

Selon nos informations, il devrait y avoir un chemin qui suit la côte au plus près et nous éviterait 15 km de détour. Confiants, on se lance sur un sentier accidenté qui nous mène droit sur un portail fermement cadenassé. Comme il en faudrait plus pour nous démotiver, on saute la barrière et on se rend compte quelques coups de pédale plus loin qu’on est entré, sans le savoir et sans le vouloir, dans l’enceinte du site archéologique ! A cette heure, plus âme qui vive et on se félicite de cette belle initiative involontaire qui nous permet de visiter les lieux seuls et gratuitement ! On pose notre tente sur la plage et on s’endort malgré le bruit assourdissant des grillons qui rivalise avec celui des vagues…

  Impossible ensuite de continuer à longer la mer et on emprunte donc des petites routes ensoleillées qui montent et descendent jusqu’à Sciacca. Les champs d’artichauts alternent avec ceux de vigne, le calme est absolu, la météo idéale. Au milieu de ce désert, trois marcheurs nous abordent en français : ils cherchent le métro ! On comprend rapidement qu’ils ont dû arriver en bateau dans la nuit depuis l’autre côté de la Méditerranée et on leur indique la ville voisine avec un regard compatissant…

Avant même d’y arriver, on déteste déjà la ville de Sciacca parce qu’elle est moche de loin et pentue de près. On tourne pas mal en rond avant de parvenir à trouver quelque chose à manger et on repart sans avoir réussi à trouver un supermarché ouvert avant 17h. S’en suivent une trentaine de kilomètres de nationale ponctués de tunnels et de klaxons que les Siciliens semblent utiliser pour un oui ou pour un non (souvent pour un non d’ailleurs!). Aux gaz d’échappement se mêle l’odeur délicieuse de la fleur d’oranger. Les arbres ont fleuri mais sont encore pleins d’oranges que l’on peut acheter sur le bord de la route et sentir partout…

  Ericlea Minoa, comme ses voisines côtières, est censée être un repère à touristes avides de plages de sable fin mais comme ailleurs, on n’y trouve que grands complexes déserts et maisons délabrées donc on ne sait si elles ne sont pas encore finies ou déjà abandonnées.

C’est déjà la saison des fraises, des coups de soleil et des moustiques mais pas encore des touristes et on s’en réjouit même si cela implique de se passer de la majorité des infrastructures de la région qui semblent ne fonctionner que par et pour les touristes, y compris les magasins d’alimentation ! On comprend à nos dépens que la vie s’arrête de 13h à 17h et on galère plusieurs fois à trouver de quoi nous ravitailler. Heureusement que les glaciers, eux, sont toujours ouverts ! Les Italiens, eux aussi, nous plaisent bien. Ils ne voient aucun inconvénient à ce qu’on campe un peu partout et honorent leur réputation de peuple au grand coeur ! Certes, il faut les écouter nous raconter leur vie chaque fois qu’on demande un renseignement mais on s’en amuse et on apprécie la mélodie de leur langue.

Sur la plage au sud d’Agrigente, on s’installe pour la nuit à côté d’une baraque qui doit servir de bar à la belle saison. Le patron y arrive justement en même temps que nous et nous offre le toit de sa baraque. Il nous montre l’eau, la lumière, nous propose pizzas et barbecue et ponctue toutes ses phrases de « tranquile » ! On cale donc nos matelas entre le comptoir et la mer. Ce soir encore, le bruit des vagues nous berce et nous fait presque oublier la dure journée.

Le matin, nous avions suivi une piste cyclable chaotique qui nous avait menés tout droit à un cul de sac. Sur une belle plage, certes, mais il avait tout de même fallu faire demi-tour et pédaler sous le soleil et sur les chemins pendant de longs kilomètres vallonnés pour rejoindre la grande route, certes roulante mais dangereuse qui nous fait passer à proximité de la Scala dei Tuchei.

On tâche de rester au plus proche de la côte pour échapper aux pentes d’Agrigente tout en profitant de la vallée des temples. Finalement, on n’évite pas vraiment le dénivelé mais on fait l’impasse sur la vallée des temples envahie de groupes scolaires, se contentant d’admirer de loin le temps de la Concorde.

La route qui nous mène à Licata est une grosse nationale qui monte et qui descend malgré les longs ponts et tunnels. Les voitures y roulent vite et nous klaxonnent souvent alors on bifurque dès que possible, quitte à affronter des pentes encore plus raides. Mais le chemin est incomparablement plus agréable même si les paysages sont défigurés par les serres qui s’étendent à perte de vue.

Alors qu’on pique-nique dans un champ, un camion de melons passe à proximité. Le chauffeur nous aperçoit et nous offre deux melons, comme ça, sans préambule ! Ajoutés aux fèves que l’on trouvées sur les bords de route et aux oranges qu’on glane ça et là, le repas est presque complet ! Nous avons choisi la bonne saison !