Danemark, nous voilà !
C’est toujours un peu excitant d’arriver dans un nouveau pays. Un peu stressant aussi, surtout lorsqu’il faut prendre un ferry où on se retrouve invariablement dans le fond du bateau mêlés aux camions et aux voitures crachant leur fumée. Cette fois-ci, c’est une formalité. Les ferries circulent en continu jour et nuit et le côte danoise est à moins d’une heure par la mer.
Alors qu’on fait la queue dans la file des voitures, le guichet devant nous ferme et on nous demande de reculer. Avec la charrette, c’est jamais simple et je recule prudemment. La voiture devant moi semble moins prudente et recule, recule encore comme si elle ne m’avait pas vue. Je hurle, Miha hurle, quelques autres automobilistes qui assistent à la scène aussi. Léna, dans la charrette, se réveille un peu hagarde et regarde incrédule autour d’elle. De peur, je m’empêtre les pattes entre la charrette et le vélo tout en me cramponnant à mon guidon. Et là, le type m’engueule par sa fenêtre ouverte ! Combien de temps va-t-il encore devoir attendre que je recule ??? Impossible de savoir s’il ne m’avait effectivement pas vue ou s’il était juste très pressé mais j’en perds mon allemand de sidération et n’arrive même pas à l’insulter… alors que j’en pense pas moins !
En arrivant aux Pays-Bas, on avait été marqués par la densité de population et le bruit de circulation qu’on entendait au loin, où qu’on soit. Au Danemark, c’est le vide et le silence qui nous saisit d’emblée. Dès la descente du ferry, il nous semble que les voitures s’évaporent et on se retrouve seuls sur une route déserte. Seul le bruit du vent et celui des éoliennes nous accompagne. Miha qui s’était toujours demandé quelle étrange idée avaient eu les Danois d’aller en Islande, comprend directement qu’ils avaient dû s’y sentir comme à la maison ! On pédale une trentaine de kilomètres sans croiser personne, sur des chemins gravillonneux et avec un vent de face déjà désespérant. Le ton est donné ! Mais on longe la mer et les prairies d’herbes folles. C’est dur mais c’est beau, et c’est exactement à ça que ressemblent mes souvenirs du Danemark…
On arrive enfin au shelter qu’on avait repéré, un abri face à un minuscule port avec une table, de l’eau, des toilettes et même une prise. Le bonheur ! La barre est déjà très haute en terme de bivouac.
La météo annonce plusieurs jours à venir de vent défavorable, nous l’affronterons donc patiemment. Elle annonce aussi du beau temps durablement et on se réjouit que le printemps nous ait rattrapés pour de bon. On pédale entre les champs de blé et de colza, ce n’est pas très exotique mais c’est apaisé et apaisant. Le soir, on trouve un autre shelter face à un autre port, certes plus gros et moins sympathique, mais on apprécie tout de même ces abris mis à disposition dans des cadres pittoresques. Avec le beau temps et les shelters, on gagne presque une heure dans nos préparatifs du matin et c’est mieux !
Du port, part un petit ferry qui permet d’éviter un détour et un pont pour aller sur l’île de Bogø puis de Møn. Quelques autres cyclistes, tous allemands, le prennent en même temps que nous. A Møn, on sait qu’il n’y a qu’à Stege qu’on pourra se ravitailler alors on fait des courses pour trois jours avant d’aller pique-niquer au bord de l’eau. Les filles trouvent d’autres enfants avec qui jouer et je discute avec leur mère qui nous donne quelques bons conseils et son numéro pour passer chez eux sur le chemin du retour. Finalement, les Danois sont apparemment moins froids qu’on le dit !
La deuxième rencontre avec une autochtone est bien moins chaleureuse. En arrivant au shelter où on pensait dormir, une femme nous barre le passage et nous explique en fronçant les sourcils qu’elle a tout réservé pour des hommes qui viennent de Copenhague et qu’il faut qu’on parte. Pas de problème, nous planterons la tente mais elle s’acharne à nous expliquer qu’on ne peut pas rester là, qu’ils vont arriver bientôt, qu’il est interdit de camper aux alentours. Elle nous répète plusieurs fois qu’ils viennent de Copenhague et qu’avec des jeunes enfants, on ne peut pas rester. On ne voit pas trop le rapport et on s’amuse à imaginer tout ce qu’ils peuvent venir faire ici pour que ce soit à ce point sensible. Finalement, on pose notre tente au bord de la plage un peu plus loin. Le cadre est magnifique et on mange au coin du feu et au bruit des vagues. Dans la mer devant nous, les fameux hommes de Copenhague pêchent, activité bien moins excitante que tout ce qu’on avait pu envisager !
Nous ne sommes qu’à quelques kilomètres des falaises de craie et nous y allons le lendemain matin. Les falaises, forcément, il faut les monter et ça faisait bien longtemps que nous n’avions pas gravi plus que des digues ! Une fois en haut, un immense escalier permet de descendre sur la plage à travers la forêt. Arrivés en bas, les filles patouillent avec le craie humide et remplissent leur sac de cailloux puis on remonte et on fait une belle balade dans la forêt avant qu’il ne se mette à pleuvoir.
La veille, on avait cherché un moyen de rester deux jours au même endroit, idéalement avec une douche. Les campings sont hors de prix, le reste n’en parlons pas. Et puis miraculeusement, Miha tombe sur une location, une maison de vacances entière à 300 mètres de la mer avec jardin, sauna, jacuzzi et tout ce dont on peut rêver quand on dort par terre et qu’on fait la vaisselle au PQ, le tout pour 70€ par nuit, ce qui ne rentre dans aucune catégorie de tarif danois, au point que ça nous semble louche. On hésite, on tergiverse et finalement on réserve et on fantasme sur le bain bouillonnant qui nous attend probablement… Nous voilà donc à destination, totalement trempés après une vingtaine de kilomètres sous la pluie, un peu inquiets sur ce que nous allons trouver… et le miracle en est bien un ! La maison est magnifique, parfaitement équipée, et on saute en famille dans le jacuzzi dès qu’on y arrive. En regardant à nouveau l’annonce, on voit que le prix de la nuitée hors saison est généralement autour de 300€ et on suppose que ces deux nuits n’étaient pas encore réservées la veille et donc bradées. En tout cas, c’est un peu la fête ! On fait tourner la machine à laver et la baignoire à plein régime, on range, on cuisine, on profite de tant de luxe…
Et puis il est temps de quitter Møn et de rejoindre l’eurovélo 7 qui mène à Copenhague. On s’arrête pour passer la nuit à côté des falaises de Stevn, dans une ancienne carrière. Une immense pyramide de tôle trône encore, qui servait à entreposer le calcaire extrait. Deux shelters sont cachés sur le site mais peu après nous, arrivent trois marcheurs avec un chien, puis un autre, puis quatre autres. On ne comprend pas trop le succès de cet endroit et on n’apprécie pas des masses la promiscuité. Les toilettes sèches sont sans porte, les quatre filles qui dorment dans le shelter à côté sont bruyantes le soir et se lèvent tôt et leur chien, qui s’appelle Alma, s’avère beaucoup plus bruyant que la nôtre ! C’est évident désormais, ce qu’on aime dans les shelters, c’est y être seuls !
On continue notre route vers Copenhague en passant par l’impressionnante église d’Højerup dont le chœur s’est effondré en même temps que le pan de falaise sur lequel il était construit et qui s’ouvre désormais sur un balcon avec vue au dessus de la mer. Plus on approche de la capitale, plus les routes sont larges mais il y a toujours des pistes cyclables et des automobilistes respectueux et on trace pour s’approcher le plus possible de la ville. On craignait de devoir encore partager notre shelter alors on en trouve un qui nous semble bien perdu et il faut effectivement pousser le vélo sur un étroit chemin de sable pendant un certain temps avant d’y accéder. On est au milieu d’un champ d’herbes hautes empli de chants d’oiseaux et on y est parfaitement bien… A 4 heures du matin, j’ouvre un œil, le ciel est orangé et les oiseaux chantent à tue-tête. Quel bonheur de pouvoir se rendormir dans ce cadre…
Il nous reste une trentaine de kilomètres pour rejoindre Copenhague, on se dit qu’on va les faire dans la matinée pour pique-niquer dans un beau parc avant de prendre le train pour Malmö où Marta nous accueille. Au deuxième kilomètre, Léna dort déjà dans la charrette. Au quatrième, elle a tranquillement vomi tout son petit déjeuner. Très sereinement, elle se laisse changer sur le bord de la piste cyclable sans se plaindre de rien ni sembler atteinte de quoi que ce soit. Dans le doute, on la réinstalle sur une serviette de toilette avec la bassine à proximité, on commence à devenir experts en la matière !
Arrivés à la capitale, on s’arrête dans un magnifique parc ensoleillé plein d’enfants qui courent et qui grimpent, de parents qui roulent sur des vélos cargo, de familles qui pique-niquent sur des couvertures à carreaux et de groupes d’amis qui jouent au kubb. Un beau dimanche en somme…
Et puis on rejoint la gare. Copenhague patientera encore un peu, nous sommes attendus à Malmö, de l’autre côté du grand pont qui plonge sous la mer…
2 Comments
Monsieur Zin
Bonjour !
Hier, c’est en écoutant en différé l’émission d’utilité publique « La terre au carré » que j’ai entendu votre message laissé sur le répondeur de l’émission du jeudi 25 mai. J’étais alors dans ma voiture pour un déplacement professionnel, moyen de transport que j’avais abandonné il y a plus d’un an pour un voyage à vélo de 6 mois vers la Scandinavie. La lecture de votre blog est très agréable et j’y perçois des sensations personnellement vécues. Bravos à votre petite famille pour cette entreprise. Si nous sommes déterminés par nos aventures et récits vécus, nul doute que vos deux petites filles auront le goût de la découverte ! « nospetitesreines.com » vient de faire son entrée dans mes site favoris !
Au plaisir de suivre la suite de votre aventure en famille. Bravos !
PS : Pour l’anecdote, mon épouse Christelle (Madame Zin) et moi-même, avions également été accueilli par Mathieu dans son camping à la ferme en Normandie. Il nous avait aussi offert son petit gite pour dormir au chaud et quelques œufs pour le diner. Un vrai plaisir que ces rencontres !
Je vous joins le lien de la page de notre blog relatif à cette rencontre : https://zinzinavelo.blogspot.com/2022/04/fa-bu-leux.html
Jeanne
Merci pour votre message ! On a regardé votre blog et reconnu des endroits où nos roues sont passées quelque temps après les vôtres… 😊