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Tour d'Europe

Avec la mer du nord…

    Lübeck nous plait beaucoup. Par chance, on y arrive pour la journée du hareng et la ville est en fête. Le centre est sympathiquement animé, l’architecture est belle et les alcooliques locaux ont l’âme communicative. 

 
Après Lübeck, on longe le canal qui rejoint l’Elbe jusqu’à Lüneburg où on reprend sur quelques kilomètres le chemin que j’avais emprunté il y a quelques mois. Cela me semble à la fois très proche et très lointain, le temps passe étrangement vite quand on est sur les routes… En tout cas, le vent de face est toujours là, il est des choses qui ne changent pas ! On tente une installation de campement au bord du fleuve avant de se rendre compte que l’eau monte dangereusement et on s’échappe in extremis de l’autre côté des digues ! 
 
 
Les coins de camping sauvage se suivent sans se ressembler. Malgré un gout prononcé pour le champ, on se retrouve parfois sur la pelouse d’un jardin, dans les roseaux humides, à l’abri d’un bosquet, sur un tapis d’orties… Un point commun à tous ces endroits cependant : les limaces qui aiment visiter la tente, les sacoches, les chaussures, et qui nous valent bien des fous rires écœurés quand on découvre leurs longs chemins baveux… 
 
Pour varier les plaisirs et les odeurs, on enchaine aussi une série de nuits sur le thème des excréments. On passe très vite sur la classique crotte de mouton pour aller vers le plus corsé purin fraichement épandu et qui laisse son souvenir odorant sur la tente. Le sommet est atteint avec la bouse de Saint Bernard malicieusement installée sous le tapis de sol et dont les effluves sont clairement insupportables. Je monte donc une opération commando avec du matériel de fortune mais dont le succès me vaut d’être proclamée « reine de la démerde » !

Le Saint Bernard en question était pourtant bien mignon. Et son maitre bien sympathique. Nous l’avons abordé pour lui demander conseil sur les terres les plus hospitalières dans le secteur pour poser notre tente et nous avons atterri dans son jardin ! J’avais pourtant le souvenir qu’il était compliqué de trouver où dormir ailleurs que dans les campings aux Pays-Bas. Cette première nuit dans le pays, tout comme les suivantes, semblent dire le contraire !

La côte de la mer du nord ressemble à ce qu’elle était au nord d’Hambourg : des digues vertes et moutonneuses à perte de vue, du vent qui souffle dans les pales des éoliennes, des pistes cyclables qui serpentent dans ces immenses étendues. Le colza n’est plus en fleur désormais et l’agriculture est un peu plus diversifiée. On traverse d’ailleurs « les vergers de l’Allemagne » au sud de l’Elbe et on s’offre des belles ventrées de cerises ! 
 
On avance au rythme des caprices mécaniques de nos montures. Une chaine qui se coince, une crevaison un peu galère à réparer, une jante qui cède sous le poids du chargement, une béquille qu’il faut refaire sur mesure pour s’adapter au cadre du vélo couché. 
On prend parfois des ferries pour traverser des bras de mer et nos vélos font souvent sensation au point qu’on en oublie même de nous faire payer. On nous dit aussi que les vélos sont acceptés mais pas les poids lourds ni les tracteurs ! 
On goute aux spécialités locales : le chocolat aux Tuc, le fromage au Milka, le jus de choucroute, une recette à ne pas exporter… On chante en pédalant, on glane, on cueille, on ramasse, on admire les maisons en briquettes, on profite des terrasses ensoleillées quand on croise une ville, on fait du feu le soir quand la géographie le permet, on slalome entre les moutons stationnés sur notre chemin, on savoure le vent qui parfois nous pousse… 
 
 Mathieu reste sceptique face à mon linge que je décrète autonettoyant mais adopte volontiers le concept de « combo-cul-pieds » lorsque l’eau du bidon s’avère vraiment trop froide pour se doucher intégralement. Chaque soir, à l’heure où les autochtones sortent leur chien, on se met en quête d’un robinet où remplir nos bouteilles puis d’un coin tranquille où être chez nous. 
En quête d’eau justement, à Greetsiel, on s’adresse à Margret qui nous amène jusqu’à chez elle, nous présente son mari, nous offre des cerises, nous propose une chambre. Elle est malade et ne peut malheureusement plus s’occuper de l’appartement de vacances à l’étage de leur maison. Ils sont  donc ravis de notre visite imprévue et nous reçoivent comme des rois. Le soir, Peter joue le guide touristique dans le village, le plus beau de la côte de la mer du nord parait-il. Il nous montre les bateaux avec leurs grands filets latéraux pour pécher les crevettes, spécialités locales, et nous explique que même celles achetées sur le port sont passées par le Maroc pour être décortiquées !
 
Chaque jour, on se demande si on continue notre route ensemble et chaque jour, on se dit que pourquoi pas ! Il se trouve que notre direction et notre manière de voyager sont sensiblement les mêmes. Et pour une fois que je croise quelqu’un d’aussi sauvage que moi, il serait dommage de le laisser filer ! 
Au feu rouge, des jeunes nous interpellent depuis la fenêtre ouverte de leur voiture. Ils sont impressionnés par notre chargement et nous interrogent sur notre voyage. Leurs yeux s’écarquillent et ils nous demandent avec un soupçon de compassion dans la voix : « But why…?!» C’était aussi la question que m’avaient posée mes élèves et j’avais déjà séché sur la réponse. Après plus de quatre mois et 6500km, je ne le sais pas plus mais une chose est sûre : je le referais si c’était à refaire et je le prolongerais si je le pouvais…
 
 

8 Comments

  • Jeanne Rivière

    Bonjour cher anonyme,
    Pour ne pas avoir mal aux fesses, il suffit de ne pas faire de vélo ! Ou de de faire du vélo couché comme le conseillerait mon compagnon de route du moment qui s'est converti pour cette raison.
    Le cuissard, je trouve ça moche et les fringues en synthétiques sentent vite mauvais donc je n'en ai jamais utilisé. J'ai misé sur le fait que le corps s'adapterait à la situation ! Mais j'ai une selle en cuir Brooks, formée par mes propres fesses et je crois que c'est pas si mal, au moins lorsqu'il fait chaud parce que ça évite de macérer dans sa transpiration.
    J'ai quand même tenu à peu près trois mois sans trop de dégâts mais la peau finit vraiment par s'user et heureusement que je ne suis pas assez souple pour voir mes fesses aujourd'hui !
    Mais c'est l'unique désagrément du voyage à vélo alors il suffit de l'accepter et de regarder le paysage plutôt que d'y penser quand on pédale ! Ce voyage ne m'aura coûté que la peau du cul… c'est quand même pas cher payé ?!!

  • Jeanne Rivière

    Coucou Céline,
    Tu parles comme si le voyage était fini… Par chance, il ne l'est pas tout à fait ! Et j'espère même pouvoir continuer à faire rire et rêver une fois de retour 😉 !

  • Anonyme

    Je découvre ce blog, fort intéressant. Comme je prévois moi aussi un voyage à vélo (beaucoup moins long), j'ai une question à propos de l'équipement : votre avis sur le cuissard ? J'ai l'impression que vous vous en passez, c'est le cas ? Si oui, comment faire pour ne pas avoir mal à fesses ??
    Merci !

  • Anonyme

    Nous aussi on rêve, on rit,on admire,on est fier et surtout, on te sent sereine…même dans la merde de St Bernard !
    Claudie et Jean-Luc

  • Anonyme

    Coucou Jeanne,
    Comme disait l'autre à qui un journaliste demandait pourquoi il courait "pour la paix dans le monde ? Les sans abris ? Le droit des femmes? L'environnement ?" : "J'ai juste eu envie de courir." !
    Merci, Jeanne pour ce beau périple que nous avons pu suivre avec plaisir, merci de nous avoir fait rire et rêver, moi et ma petite famille (Anna, ma fille de 6 ans était pliée de rire quand je lui ai lu l'épisode des merdes de mouton et David et moi nous sommes surpris à rêver du hasard et de la nécessité de certaines rencontres…)
    Je te souhaite de profiter à fond, comme tu sais si bien le faire, de la fin de ton magnifique voyage.
    Bisous de tes fans du Tarn et Garonne !
    Céline.

  • Anonyme

    C'est sacrément chouette ce que tu racontes! Je suis émue à l'idée que l'horizon nancéen se profile pour toi… Mais bon, je sais que tu n'es pas du genre à être dans les souvenirs avant l'heure et que tu profiteras bien de ce mois d'août restant.

    O.