Sicile

Retour à Trapani


Le soir, nous retrouvons la mer et nous endormons une fois de plus bercés par le bruit des vagues avec le réveil réglé sur 6h00. Nous avons potassé la carte, le guide et les horaires de bateau : demain matin nous embarquons pour les îles éloliennes et nous gravissons le Stromboli !
Arrivés sur le port, on nous informe que les bateaux, pourtant grands, ne prennent pas les vélos. Certains si mais les horaires sont confuses et les informations du site internet diffèrent des celles qu’on nous donne, elles-mêmes étant généralement différentes de ce qui se passe dans la réalité. On envisage de laisser les vélos sur la terre ferme mais on ne voit pas bien ce qu’on pourrait faire de nos bagages et les personnes auxquelles on s’adresse rivalisent d’antipathie et de mauvaise foi au point qu’on finit par renoncer à voir la lave du volcan et s’effondrer dans la mer au coucher du soleil… La déception est grande et on se dit qu’on devrait publier un guide des endroits favorables aux cyclistes à qui on décernerait des pédales de différentes couleurs ! Millazzo serait très bas dans notre classement…
 
On repart donc bredouille et pour rattraper le temps perdu, on prend le train jusqu’à Cefalu, jolie bourgade dévorée par le tourisme, puis on longe la côte jusqu’à Palerme. De la route, on ne voit pas la mer mais on sent bien le vent et surtout les gaz d’échappement des voitures qui nous doublent, l’expérience n’est pas exaltante…
Le soir, on peine à trouver un emplacement pour la nuit et on se retrouve finalement au milieu des déchets à proximité d’une plage tout aussi sale sur une dalle de béton au-dessous de la voie ferrée… La quintessence du bucolisme… Des jeunes trainent en fumant et on leur demande s’il est autorisé de dormir alentours. Notre question les étonne. « Nous sommes en Sicile! » répondent-ils, ce qui sous-entend que les notions d’autorisation et d’interdiction sont très relatives…
 
Alors qu’on monte la tente, une voiture s’approche et se gare tout près de nous. Deux hommes en sortent avec tout un tas de matériel indéterminable puis se déshabillent avant de revêtir une combinaison intégrale des plus seyantes. On observe le processus en se demandant si on est tombé dans le QG de la communauté SM de Termini… Ce n’est que lorsqu’on les a vu entrer dans l’eau avec frontale, tuba et harpon que tout s’est éclairé…!

Le lendemain, on débarque à Palerme en plein marché. Ca hurle, ça négocie, ça marchande. Les rues sont aussi sales qu’animées et la chaleur est presque étouffante. Pédaler ici est un stress de chaque instant : il faut se faufiler entre les voitures et les scooters, éviter ceux qui doublent, grillent les priorités, s’arrêtent au milieu de la route… On fait un tour de la ville puis on la quitte en fin d’après-midi, épuisés sans avoir beaucoup pédalé. Jolie ville en tout cas, mais peu propice au cyclisme…

Déçus par les routes côtières plus passantes que pittoresques, on décide de passer par l’intérieur des terres, ce qui implique de commencer par 25 km de montée… On parcourt les dix premiers pour s’éloigner de la ville puis on cherche en vain un endroit où dormir. Tout est fermé, grillagé, cloisonné, et surtout gardé par des chiens aux aboiements féroces dont on ne sait jamais s’ils vont vraiment nous sauter dessus ou pas… Les autochtones à qui on demande conseil sont sympathiques mais de peu de secours et on se retrouve le bec dans l’eau à la tombée de la nuit. L’un d’eux avait téléphoné à un agriturismo dans le jardin duquel on pourrait camper mais il faut encore grimper pendant une dizaine de km et il est déjà 21h. Faute de mieux, on prend notre courage à deux mains et on fait chauffer le mollet en rêvant de l’accueil qu’on pourrait nous réserver dans cette auberge. A notre arrivée, en lieu et place de la grand-mère dodue et généreuse qu’on s’imaginait, on trouve une horde de chiens assourdissants et effrayants. On suppose que leurs hurlements vont alerter les propriétaires mais rien ne bouge et il faut téléphoner plusieurs fois pour qu’on daigne nous répondre. On parvient à comprendre qu’on peut bien dormir dehors si on veut mais qu’un chien est un chien et qu’ils n’arrêteront donc pas leur insupportable boucan. Dépités le peu de sympathie de l’aubergiste et effrayés par la dentition de ses chiens, on quitte les lieux et, fourbus, on se pose dans le champ suivant, bravant les barbelés et maudissant les chiens !

 Le lendemain, on regagne la côte par des petites routes vallonnées très agréables qui nous font dire qu’en Sicile, il faut en baver pour que ce soit beau  et il faut accepter le dénivelé pour éviter la circulation. 

Nous en prenons bonne note pour la fin du séjour et apprécions même de monter secà Castelmare del Golfo puis de descendre raide à Scopello, d’autant que les paysages en valent le détour.

 

A quelques jours du départ, nous trouvons enfin la Sicile que nous imaginions : mer transparente, prairies fleuries, village joliment vieillot… Nous posons notre tente sur la plage de galets blancs et profitons du soleil estival du matin suivant pour se baigner allègrement et faire un tour dans la réserve de Zingaro où on savoure la beauté et la propreté des paysages…

On se serait bien attardé quelques jours dans le coin mais il faut regagner Trapani et puis la France… Et puis visiter Erice avant de partir quand même, très joli village perché, certes, mais usine à touristes qui ne nous séduit guère.

A l’aéroport, Miha retrouve au bout de deux semaines, le carton à vélo qu’il avait bazardé dans un coin ! Finalement, c’est pratique le mode de vie à la sicilienne !
A l’atterrissage à Francfort, il fait 6 degrés et il pleut. La semaine suivante, il neige à Nancy. Alors certes, la Sicile, c’est un peu l’anarchie mais tout de même, il fait bon y vivre…

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